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mardi 2 octobre 2012

A quoi peut bien penser un saumon mort ?

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 
Chaque année, et ce depuis 1991, la remise des prix Ig Nobel est à la science improbable ce que le Goncourt est à la littérature francophone ou la palme du plus gros mangeur de saucisses au camping de Trifouilly-les-Oies : l'occasion d'une consécration. On y distingue des recherches grotesques et les personnes dont les actions absurdes réalisées dans les domaines des sciences et de la technologie ne peuvent pas ou ne devraient pas être reproduites. Exemple célèbre : la décision de Jacques Chirac de reprendre en 1995 les essais nucléaires français dans le Pacifique à l'occasion des cinquante ans des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki...
La cérémonie se déroule dans le cadre du Théâtre Sanders, au sein de la prestigieuse université Harvard. S'il fut un temps où l'on craignait de recevoir un ignoble Ig Nobel en raison de la part de ridicule qui y est attachée, le sens de l'humour a fini par l'emporter et c'est désormais de bonne grâce que les heureux élus montent sur scène pour y être acclamés (et parfois aussi pour justifier les raisons profondes de leurs travaux).
La cuvée 2012 a été dévoilée dans la soirée du jeudi 20 septembre. On y trouve pêle-mêle la physique de la queue-de-cheval (Ig Nobel de physique), une machine qui vous force à vous taire en vous renvoyant vos derniers mots (acoustique), une étude cherchant à comprendre pourquoi, lorsqu'on marche avec une tasse, le café se renverse (dynamique des fluides), la manière dont les chimpanzés identifient leurs congénères en contemplant des photos de leur derrière (anatomie) ou bien un article expliquant que la tour Eiffel semble plus petite quand on la regarde en se penchant vers la gauche (psychologie)... Notons que, cette année, ce sont des Français qui ont décroché l'Ig Nobel de médecine, grâce aux recommandations qu'ils ont faites pour que leurs collègues pratiquant une coloscopie avec cautérisation électrique n'aient pas la mauvaise surprise de se faire exploser les gaz intestinaux - et leurs patients - au visage.
Mention spéciale
Mais si l'auteur de cette chronique devait décerner une mention spéciale à l'un des vainqueurs de l'édition 2012, c'est aux lauréats de l'Ig Nobel de neurosciences qu'il l'accorderait. Cette équipe américaine, dans un article publié en 2010 par le Journal of Serendipitous and Unexpected Results, a soumis un saumon mort à une IRM fonctionnelle, qui détecte les zones du cerveau qui sont stimulées en mesurant les variations du flux sanguin. Pour cette stimulation, on montrait des photos d'humains au poisson et on lui demandait de déterminer quelles émotions les visages exprimaient. Résultat du test : sur les images obtenues, une petite zone s'est effectivement "allumée" dans la tête du saumon trépassé. Et les auteurs d'arriver à la conclusion suivante : ou bien leur travail a mis en évidence un phénomène qui va révolutionner l'ichtyologie, si ce n'est la biologie tout entière, ou bien le protocole expérimental standard qu'ils ont employé s'avère incapable d'éliminer des faux positifs.
C'est tout le charme de la science improbable : provoquer le sourire d'abord (car sous la blouse blanche du chercheur, il y a aussi, parfois, un clown en puissance) et la réflexion ensuite. Et s'apercevoir que, sous l'apparente bêtise d'un test loufoque, il y a avant tout l'envie de faire avancer la recherche.
Journaliste et blogueur
(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)

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