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mercredi 26 septembre 2012

Comment rétablir le service public hospitalier ?

24.09.12 - 14:36 - HOSPIMEDIA 
Le rétablissement du service public hospitalier, une nouvelle fois brandi par Marisol Touraine lors de la présentation de son Pacte de confiance, le 7 septembre dernier, pose question : s'agit-il d'une mesure uniquement symbolique ou d'une réforme de fond en faveur des établissements publics ? Début de réponse.
Le sujet a agité l'université d'été de la Fédération hospitalière de France (FHF). Comment et sous quelle forme le service public hospitalier sera-t-il rétabli ? François Hollande l'avait promis durant la campagne, Marisol Touraine a réitéré cette promesse lors de la présentation de son Pacte de confiance en se faisant plus précise et en annonçant son retour "dans la loi dès cette année" (lire notre article du 07/09/2012). La question que se sont posée les hospitaliers lors de l'université de la FHF ne portait pas tant sur le retour du service public hospitalier que sur la portée de cette mesure : cela impliquera-t-il le détricotage de la loi HPST, qui avait supprimé le service public hospitalier au service des missions de service public ? "Il est certain que cette mesure a un aspect symbolique facile à mettre en œuvre. Mais la ministre ira-t-elle plus loin ?", s'interroge un responsable de la FHF. Il évoque des problèmes d'ordre juridique quant au retour du service public hospitalier. Mais quelles sont donc ses spécificités ?

Le service public hospitalier
C'est la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 qui a créé le service public hospitalier. Selon son article 2 : "Le service public hospitalier assure les examens de diagnostic, le traitement – notamment les soins d'urgence – des malades, des blessés et des femmes enceintes qui lui sont confiés ou qui s'adressent à lui et leur hébergement éventuel. De plus, le service public hospitalier :
-concourt à l'enseignement universitaire et post-universitaire médical et pharmaceutique et à la formation du personnel paramédical;
-concourt aux actions de médecine préventive dont la coordination peut lui être confiée;
-participe à la recherche médicale et pharmaceutique et à l'éducation sanitaire."
Surtout, la loi de décembre 1970 définit les établissements ayant droit à participer de plein droit au service public hospitalier : il s'agit bien évidemment des hôpitaux publics mais aussi "des établissements d'hospitalisation privés à but non lucratif [qui] sont admis à participer, sur leur demande ou sur celle de la personne morale dont ils dépendent, à l'exécution du service public hospitalier". Ce sont les actuels Établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC).
Pour les établissements privés lucratifs, deux solutions leur étaient alors proposées pour participer au service public. Ou bien l'Etat leur octroyait une concession de service public pour exercer l'ensemble des missions s'y afférant. Ou alors ils passaient contrat avec un hôpital public pour exercer "un ou plusieurs objectifs déterminés". La loi HPST a chamboulé cet édifice.

Quatorze missions de service public
De fait, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a supplanté les missions de service public au service public hospitalier. Elles sont au nombre de 14 (lire encadré). Autre changement notable : tous les établissements de santé peuvent participer indifféremment aux missions de service public. Lesquelles sont inscrites dans le Contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) signé entre l'établissement et l'ARS. Au final, l'ARS est donc la seule décisionnaire dans l'attribution des missions de service public. Les établissements publics ne bénéficient plus d'aucune prérogative particulière. Dès lors, le retour du service public hospitalier signifie-t-il un retour à la situation anté-HPST ?

Ambiguïté...
Interrogée sur la question par Hospimedia (lire notre entretien du 17/09/2012), Marisol Touraine a beaucoup insisté sur les valeurs du service public : "Quelles sont les conséquences concrètes du rétablissement de la notion de service public ? Je pense d’abord nécessaire de faire réinscrire explicitement dans la loi les valeurs que sont l'égalité d'accès aux soins (interdiction de toute discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, accessibilité géographique et tarifaire des soins), la réponse aux besoins d’intérêt général sans interruption (obligation de permanence d’accueil) et l’adaptation continue de l’offre au besoin." Pour autant, elle n'a ni remis en cause les 14 missions ni leur exercice par les cliniques. Mais seul l'hôpital public, selon Marisol Touraine, serait amené à exercer l'ensemble de ces missions.
De manière pratique, difficile de dire quelles seront les vraies conséquences de cette réforme. Du côté de la FHF, on échafaude différents scénarios. "Y aura-t-il une remise en cause des appels à projets pour l'attribution des missions de service public ? La ministre n'a pas fait connaître son point de vue sur la question. Nous espérons qu'il y aura une préférence pour les établissements publics, et nous militons pour que cette préférence soit inscrite dans les programmes régionaux de santé", indique un responsable de la FHF. Selon le Dr Frédéric Martineau, président de la conférence des présidents de CME de CH, le secteur public souhaite avant tout que la tutelle mette un coup d'arrêt aux appels d'offres en matière de service public : "Les ARS, actuellement, passent des appels à projets avec les établissements sur la permanence des soins. Le retour du service public hospitalier va-t-il mettre fin à ces appels à projets ?" D'aucuns évoquent également de potentiels problèmes de mise en conformité d'un rétablissement du service public hospitalier avec la législation européenne.

Aucune entrave européenne
Pascal Garel, directeur général de HOPE, fédération européenne des hôpitaux et des services de santé, ne pense pas que la législation européenne puisse entraver le rétablissement du service public hospitalier :"La France a une grande liberté d'action en ce qui concerne ses services d'intérêt général, surtout depuis le traité de Lisbonne." En effet, celui-ci consacre "le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs".
L'hospitalisation privée, en tous les cas, se frotte les mains. Suite à la publication de notre entretien avec la ministre Marisol Touraine, elle y a lu une confirmation de sa participation aux missions de service public : "Nous sommes très favorables à la position de la ministre, a notamment déclaré Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO.Nous souhaitons participer de plus en plus aux missions de service public, qu'il s'agisse de prévention ou d'enseignement." La FHP-MCO a également le soutien de la DGOS, qui ne souhaite pas non plus un retour en arrière, indique une source proche de la FHF. Reste que, la DGOS n'est pas décisionnaire. Et que Marisol Touraine n'a toujours pas annoncé précisément les nouvelles modalités d'attribution des missions de service public...
Jean-Bernard Gervais


Les 14 missions de service public
La loi HPST liste quatorze missions de service public :
"1° La permanence des soins;
2° La prise en charge des soins palliatifs;
3° L'enseignement universitaire et post-universitaire;
4° La recherche;
5° Le développement professionnel continu des praticiens hospitaliers et non hospitaliers;
6° La formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence;
7° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination;
8° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés;
9° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et la discrimination;
10° Les actions de santé publique;
11° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement;
12° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret;
13° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
14° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté."

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