blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 17 juillet 2012

De la crise économique à la dépression psychiatrique

Publié le 06/07/2012

« Près du quart de la population en âge de travailler était au chômage et n’avait plus d’espoir de trouver de travail. Dans certaines parties du pays, la moitié des gens restaient sans emploi. Les usines tournaient au ralenti, de même que les travaux des champs… » Dans cet article sobrement intitulé Unemployment (chômage), Archives of General Psychiatry rappelle l’acuité de la Grande Dépression des années 1930[1] aux États-Unis et, notamment, ses terribles conséquences psychiatriques : à New York, par exemple, les taux de suicide grimpèrent de 13,7 pour 100 000 habitants en 1926 à 21,3 en 1932 ; et dans l’ensemble des États-Unis, ce taux atteignit 17,4 pour 100 000 habitants.


De la dépression économique à la dépression psychiatrique, la voie semble en effet toute tracée, et un artiste peintre et photographe comme Ben Shahn (1898-1969) fut chargé par l’administration (dans le cadre du New Deal[2] de Roosevelt) de transmettre par l’image le portrait d’une Amérique en crise. Mais fidèles à la mouvance artistique du « social realism[3] », Shahn et ses pairs ne cherchèrent pas à dissimuler la souffrance psychique en essayant de masquer les conséquences de la crise sous des travers artificieux, contrairement aux artistes officiels d’autres contrées moins démocratiques (URSS, Chine, Italie fasciste et bien sûr Allemagne nazie) où les travailleurs étaient toujours censés œuvrer, dans une allégresse communicative, pour la grandeur de leur illustre pays. Au contraire, les images de Shahn témoignent des stigmates de la crise sur les gens du peuple, « s’efforçant de garder leur dignité, malgré la perte de tout espoir » d’un avenir meilleur.


Tristesse, mélancolie, angoisse se lisent sur ces visages graves, meurtris par la Grande Dépression. Pourtant, comme ces photographies devaient convaincre les Américains de l’utilité des réformes engagées par Roosevelt, il existe donc un aspect paradoxal à vouloir faire oublier le marasme en le montrant crûment ! On imagine mal des campagnes publicitaires axées ainsi, aujourd’hui, sur le seul accent du réalisme, sans accorder une large part au rêve et à l’optimisme. Mais toute similitude avec l’époque actuelle serait bien sûr déplacée…

Dr Alain Cohen

Harris JC : Art and images in psychiatry : Unemployment. Arch Gen Psychiatry 2012 ; 69 (5) : 445.

Aucun commentaire: