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mercredi 14 décembre 2011


Valentin : querelle d'experts aux assises 

Par  , Stéphane Durand-Souffland

Provocateur, le Dr Bensussan a déclaré voir dans les accusés «deux grands dingues».


Dans un procès ordinaire, le ton monte généralement au moment de l'examen des faits parce que le ou les accusés les nient. Au procès fou de Stéphane Moitoiret et Noëlla Hego, qui nient toute implication dansl'assassinat de Valentin, 11 ans, le ton monte quand les psychiatres défilent à la barre. C'est un signe, un symptôme, qu'ici, les faits relèvent en grande partie du délire.

Le Dr Paul Bensussan est au micro. Il est l'un des quatre praticiens (contre six) qui ont estimé quele discernement de M. Moitoiret était aboli au moment du crime, à supposer qu'il en soit l'auteur, ce dont personne ne doute réellement tant les indices matériels abondent en ce sens. L'expert est tellement en colère qu'il s'exprime en des termes étonnants, voire choquants. «C'est la première fois que je vois deux grands dingues dans un box de cour d'assises », tempête-t-il.

Il a rendu un rapport séparé, alors qu'il avait été commis au sein d'un collège composé de deux confrères, les Drs Peyramond et Bornstein, dont il ne partage pas le diagnostic. Cela arrive. Mais le Dr Bensussan affirme qu'il a été soumis à des «pressions » destinées à l'empêcher d'exprimer sa voix discordante, de maintenir «un chouïa de discernement» afin qu'un procès «à vertu thérapeutique » soit offert à la famille de la victime. «J'ai les preuves», menace-t-il en pointant du doigt son cartable. Stigmatisant l'attitude de ses deux confrères, il n'y va pas avec le dos de la cuiller : «C'est du pipeau, du négationnisme diagnostique. Stéphane Moitoiret délirait à pleins tuyaux depuis dix-huit ans au moment du crime. C'est un schizophrène. Il y a enfumage de la cour d'assises, on ne met pas les dingues en taule.» Le président Bréjoux : «Ce n'est pas à mon âge qu'on va m'enfumer.» Derrière cette pique amusante, transparaît une exaspération manifeste à l'encontre de cet expert au vocabulaire relâché, qui met en cause les deux praticiens qui ont déposé dans la matinée.

«Ce spectacle est lamentable, tempête l'avocat général

Tout cela est pain bénit pour la partie civile, qui entend que la responsabilité - même s'il n'y en existe qu'une «once» comme l'a admis le Dr Bornstein -, soit retenue, ouvrant au box les portes du cachot. Me Collard, rusé comme un renard, titille longuement le bouillant psychiatre sur la forme de son discours. Il ne s'agit pas tant pour l'avocat d'être bon, mais d'être long, pour que son contradicteur finisse par exaspérer le jury. L'expert se défend pied à pied, son magistère pâlit puisqu'il doit se défendre. «Vous vous comportez en pontife de la psychiatrie», l'accuse Me Collard, qui a sans doute servi cette formule mille fois au cours de sa carrière. Le Dr Bensussan repousse cette idée d'infaillibilité.


On s'éloigne des faits - il y a longtemps qu'on n'en parle plus. L'avocat général : «C'est scandaleux ! Ce spectacle est lamentable ! Les experts viennent régler des comptes à la barre ! » La défense n'a pas le choix : elle tente de couvrir la voix d'en face. Le brouhaha est total, la confusion généralisée. Le président : «Je n'admettrai plus que quiconque intervienne.» Me Collard reprend son détricotage, souvent tendancieux, mais efficace. C'est cela, un procès à vertu thérapeutique ?

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