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jeudi 22 décembre 2011

Les «fous» de Champ-Dollon

Selon une publication médicale, 46% des détenus de la prison genevoise souffrent de troubles psychiques. Le directeur de l’établissement explique pourquoi cela ne l’étonne pas.
Laszlo Molnar

28 décembre 2010

A Champ-Dollon (GE), près d’un détenu sur deux (46%) souffre de troubles psychiques. Chez les femmes, ce chiffre monte à 56%, selon une étude d’Ariel Eytan et de Hans Wolff, des Départements de psychiatrie et de médecine communautaire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Les deux auteurs de l’étude, publiée dans l’International Journal of Law and Psychiatry, ont analysé les dossiers de 1510 détenus – dont 76 femmes – ayant fait appel à l’unité médicale de la prison genevoise en 2007. Ils constatent que le principal symptôme décelé est la dépression. Elle touche 9,6% des hommes et plus de 22% des femmes incarcérées. Les troubles de la personnalité ou de l’adaptation sont moins fréquents, comme d’ailleurs les psychoses à proprement parler (1,2% et 5,3%).

Drogués et alcooliques


Mais les psychiatres genevois incluent les personnes dépendantes – d’une drogue, de l’alcool, voire du tabac – dans leur rapport. Et ils sont nombreux: plus de 41% d’entre elles souffraient d’alcoolisme avant leur incarcération, 36% fumaient régulièrement du cannabis, près de 27% prenaient de la cocaïne et 17% étaient des héroïnomanes. Ainsi, 31% des prisonniers se retrouvent dépendants de benzodiazépines (BZD), une classe de médicaments psychotropes utilisés dans le traitement de l’anxiété, de l’insomnie, de l’agitation psychomotrice, des convulsions, des spasmes, ou dans le contexte d’un syndrome de sevrage alcoolique.

La comorbidité (troubles associés) entre le tabac (70% des prisonniers fument), l’alcool et d’autres produits est de plus très fréquente. Elle est souvent associée à l’anxiété, à l’insomnie, ainsi qu’à des problèmes de peau, dus généralement aux seringues. Mais une chose surprenante est également démontrée: si 1,5% de ces prisonniers souffrent d’un stress post-traumatique (un état morbide dû à un événement exceptionnellement violent), on ne trouve aucune femme dans cette catégorie. Cependant, 70% des prisonnières ont subi des violences ou des abus sexuels.

Cette première étude fournissant une description détaillée de la santé mentale des détenus de la plus grande prison préventive de Suisse ne surprend pas Constantin Franziskakis, directeur de la prison de Champ-Dollon. «Les chiffres peuvent sembler élevés, relève-t-il au téléphone. Mais il faut se dire que l’anxiété des détenus, surtout ceux qui sont emprisonnés pour la première fois, est immense. Des symptômes qui passeraient inaperçus chez les gens vivant en liberté se révèlent omniprésents en milieu carcéral. Il faut par exemple prendre en compte le sevrage que subissent les délinquants dépendants d’une drogue ou de l’alcool. Ils risquent de faire des réactions psychiques importantes quand ils se retrouvent derrière les barreaux.»

Les effets de la surpopulation

Prévue pour 270 personnes, la prison de Champ-Dollon comptait entre 450 et 500 détenus à l’époque de l’étude. Mais la barre des 600 a été dépassée en mai dernier et un record de 622 détenus a été atteint le 19 juillet. Heureusement, une annexe d’une centaine de places devrait voir le jour l’an prochain.

«Réduire la surpopulation irait dans le bon sens en permettant de diminuer les tensions à l’intérieur de l’établissement, tant entre détenus et personnel de surveillance que concernant les détenus entre eux», estime pour sa part le Dr Ariel Eytan, l’un des responsables de ce rapport.

Manon Schick, porte-parole et future directrice générale d’Amnesty International Suisse, abonde dans son sens et note qu’«il serait intéressant de mener une telle enquête aussi en Suisse alémanique, où les prisons souffrent nettement moins de la surpopulation, et de voir quels effets provoque cette surpopulation carcérale.»


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