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dimanche 20 novembre 2011

"Les établissements sont devenus des usines à soins"

Frédéric Pierru, sociologue, chargé de recherche au CNRS | LEMONDE | 17.11.11

Frédéric Pierru est sociologue, chargé de recherche au CNRS. Il a codirigéL'Hôpital en réanimation, qui sort jeudi 17 novembre.

Quel bilan tirez-vous de l'arrivée des modes de gestion privée à l'hôpital public ?
L'imposition de nouveaux outils de gestion a permis de justifier de manière autoritaire des regroupements de structures, et ainsi d'accentuer le poids des gestionnaires sur les professions soignantes pourtant habituées à une forte autonomie, comme les chercheurs ou les enseignants. C'est cette reprise en main par l'Etat qui heurte et désoriente les médecins. Un Etat qui en a d'ailleurs aussi profité pour évincer les élus et mettre un terme à la gestion communale des hôpitaux, désormais étatisés.
Par conséquent, à l'expression souvent employée d'"hôpital entreprise", qui laisse supposer une certaine souplesse, je préfère celle d'"usines à soins". C'est ce que sont devenus les hôpitaux publics, avec une prise en charge de plus en plus standardisée et déshumanisée des patients.
Nous sommes entrés dans le règne du "big is beautiful" avec ces "usines à soins", mais aussi avec ces conglomérats administratifs que sont les agences régionales de santé, créées en 2010, dont les agents souffrent également. Le rapprochement de personnels à cultures différentes, ceux des structures de l'Etat et ceux des caisses d'assurance-maladie, a été réalisé à marche forcée, sur fond de réduction de postes.
Il semble que l'on soit en train de prendre conscience des effets négatifs de ce nouveau type de gestion, et de sortir du consensus. Je pense qu'après mai 2012, quel que soit le vainqueur, nous irons vers une mise en oeuvre plus négociée des réformes des services publics.
Propos recueillis par Laetitia Clavreul

"La vraie menace, c'est le manque de médecins"

Philippe Blua, directeur de l'hôpital de Saint-Omer (Pas-de-Calais) | LEMONDE | 17.11.11

Philippe Blua est directeur de l'hôpital de Saint-Omer (Pas-de-Calais) et préside le Syndicat des manageurs de santé publique (SMPS), majoritaire chez les directeurs d'établissements.

Quel bilan tirez-vous de l'arrivée des modes de gestion privée à l'hôpital public ?
Son évolution était indispensable, notamment pour faciliter les prises de décision. Avec le système du financement au budget global, qu'il ait des patients ou pas, un établissement touchait tout autant. Grâce à la tarification à l'activité (T2A), le patient et ses besoins ont été remis au centre. Résultat : l'hôpital public ne perd plus de parts de marché face au privé.
Il faut accepter de prendre ce que celui-ci sait mieux faire que le secteur public, comme la souplesse de gestion ou la réponse aux attentes des patients. Nous pouvons procéder ainsi, tout en restant attachés au service public et sans avoird'actionnaires privés et de dividendes à verser. Ce n'est pas un hasard si le nombre de maternités a baissé dans le privé. En revanche, si dans le secteur public certaines ont fermé, c'est uniquement pour des questions de sécurité des soins, pas pour des raisons financières.
Il ne faut d'ailleurs pas se voiler la face : le risque de fermeture de services dans les hôpitaux publics est bien moins lié à un manque de rentabilité qu'à un problème de démographie médicale. La vraie menace pour les hôpitaux publics, c'est le manque de médecins. Vu les différences de rémunération, il ne faut pas s'étonner que des praticiens soient attirés par le privé, et que désormais, dans certaines régions, on ne trouve plus certaines spécialités représentées dans le secteur public.
Propos recueillis par Laetitia Clavreul

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