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dimanche 20 novembre 2011

Le risque de prescrire
Publié le 18/11/2011



The American Journal of Psychiatry analyse un ouvrage[1] « à orientation sociologique, et parfois polémique » sur la place des prescriptions médicamenteuses. Cette « orientation polémique » apparaît par exemple dans l’accusation faite à certains médecins ou laboratoires d’« imaginer ou amplifier » des maladies pour « créer le besoin de nouveaux médicaments. » L’exemple de ces « affections inventées » serait l’ADHD (Attention deficit hyperactivity disorder, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité) illustrant comment la disponibilité d’un médicament pourrait exercer une rétroaction positive sur le nombre de cas diagnostiqués : concrètement, plus on parle d’un médicament, plus on serait tenté de recenser des cas où sa prescription semble indiquée…
Autre exemple (moins prégnant en France) : le « trouble d’anxiété sociale » (social anxiety disorder), autrefois très rarement diagnostiqué, mais désormais fort commun, depuis l’existence de médicaments contre ce trouble. D’autres thèmes polémiques sont évoqués dans cet ouvrage sur la pertinence de certains traitements « en psychiatrie et ailleurs. » Par exemple, l’impéritie des médecins ayant prescrit vers 1960 la thalidomide « contre des troubles mineurs du sommeil » conduisit à un «désastre international », évité toutefois aux États-Unis par l’obstination d’une salariée de la FDA (Food and Drug Administration, l’autorité sanitaire du pays), Frances Kelsey, « partie seule en croisade » contre l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché[2].
Mais le problème de la sécurité des médicaments est complexe, et il ne saurait se résumer à l’hypothèse que des fabricants peu scrupuleux essayeraient de « dissimuler ou minimiser des effets fâcheux » : en effet, la mise en évidence éventuelle de tels effets indésirables nécessite « trois fois plus de temps » que le fait de découvrir un effet thérapeutique, et cela est encore plus long pour des « rares, mais graves effets latéraux », comme le phénomène de tératogénicité. Or les médicaments seraient parfois introduits trop vite aux États-Unis, rappelle l’auteur, « sans données suffisantes sur ces effets indésirables », car la FDA aurait « accéléré le processus d’approbation » (l’équivalent de notre AMM), ce qui peut se comprendre, dans la mesure où les malades souhaitent bien sûr disposer sans délai des innovations thérapeutiques. Le problème se complique encore avec le fait qu’un nouveau traitement peut « ne pas se montrer meilleur que ceux existant déjà » mais présenter pourtant « un avantage considérable pour un petit pourcentage de patients avec un génotype particulier. » C’est tout le défi de la pharmacogénétique dans la recherche médicamenteuse.
 
[1] The risks of prescriptions drugs (édité par Douglas W. Light, Columbia University Press, 2010)


Dr Alain Cohen

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