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dimanche 20 novembre 2011


IVG : des couples en mâle de soutien

Partenaires . Une campagne a été lancée pour davantage impliquer les compagnons des femmes ayant décidé d’avorter.


Par VIRGINIE BALLET


«Si 220 000 IVG sont pratiquées en France tous les ans, 220 000 hommes sont concernés aussi.» Les interpeller, les impliquer, les soutenir, c’est ce que propose une plaquette d’information sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Une initiative inédite, présentée fin octobre à Paris lors du dernier congrès de l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (Ancic). Cette brochure, qui annonce d’entrée de jeu que l’IVG est «une histoire d’hommes aussi», s’appuie sur une enquête détaillée quant à leur expérience de l’IVG. Entre février et octobre 2010, 150 hommes ont été interrogés, âgés de 29 ans en moyenne, célibataires et sans enfant pour la plupart. «On veut faire changer le regard des hommes sur l’IVG »,explique le Dr Laurence Danjou, membre de l’Ancic. «Avec cette plaquette, l’Ancic veut aussi mettre fin au discours qui culpabilise les femmes qui ont recours à l’IVG. C’est agaçant d’entendre encore qu’elles seraient responsables, parce qu’elles auraient mal géré leur contraceptionpar négligence», peste Laurence Danjou. Un regret que partage le DElisabeth Fourrier, responsable du centre de planification familiale à l’hôpital Corentin-Celton d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). «Les hommes n’ont pas été assez impliqués dans la contraception. Peut-être que c’est dû à certains manquements lors de la libéralisation sexuelle des femmes.»
«Affaire d’hommes». Déjà en 2006, la sociologue Geneviève Cresson notait dans une étude (1) que, parce que «les femmes supportent directement les risques de la conception […], elles sont considérées comme les premières responsables de la contraception et de ses échecs éventuels».Le genre de constat auquel l’Ancic tordrait bien le cou. Aux yeux de la loi, il revient à la femme de disposer de son corps. N’empêche.«L’IVG est aussi une affaire d’hommes, un moment de vie qui les concerne», insiste le DrDanjou,«d’ailleurs 20% des femmes qui demandent une IVG viennent accompagnées de leur partenaire». Et, dans huit cas sur dix, la décision est commune. Le rapport de l’Ancic s’attache aussi à comprendre ce qui motive la décision d’avorter, côté garçon. De manière générale, c’est le «désir d’accueillir un enfant dans les meilleures conditions», c’est-à-dire pas dans un couple instable (36%), qui n’a pas de réel projet d’enfant ou qui fait face à des problèmes financiers (38%).
Pour la moitié d’entre eux, l’expérience s’est avérée douloureuse, à des degrés divers. Seuls 4% se disent «indifférents». Les autres évoquent leur joie, leur peur, leur inquiétude pour l’avenir, voire leur panique à l’annonce de la grossesse. L’acte «est rarement vécu comme anodin». Il laisse des cicatrices. «Une IVG peut engendrer de l’incompréhension, des malentendus, voire une rupture dans le couple», constate le Dr Danjou. Mais, même si l’expérience peut être traumatisante, les hommes ne semblent pas éprouver le besoin de mettre des mots dessus : «Dans la moitié des cas, l’événement n’est évoqué avec personne, provoquant une situation d’isolement.» Avec personne, pas même avec les chercheurs. Ceux qui se sont penchés sur le sujet sont unanimes : les hommes ne sont pas loquaces sur l’avortement. Sur les 800 questionnaires initialement transmis par l’Ancic, seuls 20% ont été remplis, alors que 4 hommes sur 10 se disent «en demande d’écoute».
La sociologue Geneviève Cresson souligne elle aussi, dans son étude, que«les tentatives de contact se sont révélées très difficiles». En cause ? L’image que la société a des hommes, «qui rend délicat, pour beaucoup d’entre eux, de parler spontanément de leurs affects et de leur intimité», selon l’Ancic. D’autant qu’aucun espace n’est réellement prévu pour cela.«Les personnels ne savent pas toujours très bien comment gérer leur présence», avance le Dr Danjou. Un tiers des hommes qui accompagnent leur épouse dans un centre d’IVG se disent d’ailleurs insatisfaits de l’accueil qui leur est réservé. Ils sont un peu des «personnages secondaires, des troisièmes larrons», comme l’écrit Geneviève Cresson.
«Clichés». Résultat : beaucoup choisissent de se livrer anonymement, sur la Toile. Ce qui ne surprend pas le Dr Fourrier, du centre de planification familiale : «Leur vision de la virilité ne leur donne pas le droit de s’épancher.» Sur un forum, «Leoli» confesse en «avoir énormément souffert». «Evilo33» parle de son «désarroi et de sa douleur». «Stf» confie se sentir «responsable», quand «Jeff228» clame son désir de voir «la place des hommes enfin reconnue, car un homme se retrouve souvent tellement exclu, impuissant et frustré face à ces épreuves, son chagrin, sa sensibilité… mais aussi cette société et ses clichés ! Et là… il y a du travail». Un travail de longue haleine que l’Ancic entend poursuivre, y compris en amont de l’IVG, jusqu’à ce que la contraception soit aussi une préoccupation de mec. 
(1) Geneviève Cresson, «Les hommes et l’IVG», Sociétés contemporaines n°61, 2006, p. 65-8

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