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jeudi 27 octobre 2011


La question de l’éthique dans l’intervention en psychologie du sport

Si les compétences de l’intervenant en psychologie du sport sont de plus en plus souhaitées pour accompagner les sportifs de haut niveau, sa présence n’est, quant à elle, pas forcément désirée. Même si la prise en compte du versant mental avance dans certaines disciplines, les français éprouvent des difficultés à abandonner leur place de mauvais élève sur la question. Encore trop souvent, cette formation et les apprentissages qui la caractérisent sont amorcés lors de situations problèmes (lorsqu’« ils ont tout essayé » comme certains se plaisent à le dire), juste avant des échéances importantes, pour établir des profils qui serviront davantage à trier, cataloguer des sportifs qu’à les faire progresser…
Les structures et leurs acteurs éprouvent des craintes légitimes vis à vis de notre métier. Le manque de connaissances sur le sujet (dont ils sont, malgré tout, les premiers responsables) ne fait qu’accentuer leur méfiance et leur manque de confiance vis à vis d’une profession où certains s’invitent sans le moindre diplôme. Consciente de cette réalité, la Société Française de Psychologie du Sport (SFPS) a mis en place une procédure d’accréditation destinée à valider, par un comité de professionnels reconnus, les compétences des intervenants en psychologie du sport tant sur le plan de leur formation que de leur expérience. Ces derniers doivent alors s’engager à respecter la « Charte éthique de l’intervention en psychologie du sport de la SFPS » (voir site officiel de la SFPS pour la liste des accrédités ou la Charte ; le nouveau site web est en cours de construction).
L’article 4 de la Charte stipule : « L’intervenant en psychologie du sport est tenu par le secret professionnel :
-       La personne concernée par l’intervention doit être informée et donner son approbation préalable en ce qui concerne la forme et le contenu de toute communication de résultat à d’autres individus.
-       La personne garde le droit et le privilège de refuser que soient communiquées des informations ».
Les entraîneurs sont souvent craintifs vis à vis des informations que les joueurs, le staff ou eux-mêmes nous font partager et ils le sont encore plus vis à vis de la confidentialité dont nous allons faire preuve ce qui, à mes yeux, est fondamental. Comment nous assurer la confiance de ces acteurs si nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette attente essentielle ? Si en tant que Docteur d’université et intervenante en psychologie du sport, je prends plaisir à discuter avec vous des déclarations de sportifs ou des situations de structures à la lumière d’écrits psychologiques et de recherches scientifiques, les lecteurs les plus assidus ont pu remarquer que le contenu des notes s’appuie majoritairement sur des interrogations, des hypothèses permettant de faire vivre la psychologie du sport grâce à l’actualité. Cependant,  jamais je ne m’autoriserai à écrire sur les sportifs que j’accompagne (à moins de décrire une anecdote en conservant l’anonymat). Tous les entretiens que j’ai accordés à la presse ont été préalablement validés par les sportifs ou les structures concernés.
Pour ces raisons, je me suis trouvée quelque peu déstabilisée à la lecture de l’article de Monsieur François Peltier, conseiller en développement personnel auprès de l’équipe de France de rugby depuis deux ans (In L’Equipe, Lundi 3 octobre, p.20). Loin de moi l’idée de porter un jugement sur son travail et la véracité de ses propos, cependant, je reste gênée par certains passages : par exemple, nous apprenons dans quelle catégorie certains joueurs ont été classés à partir de leur profil psychologique (nous permettant par déduction de trouver les non leader, ou d’extrapoler les catégories des autres), il nous fait partager quelques constats établis suite à ses évaluations, ses sentiments sur les individus, le groupe, le sélectionneur… A la lecture de ses mots, des questions sont venues bousculer mes pensées : les joueurs, le sélectionneur, le staff, la fédération ont-ils donné leur aval pour que ces informations nous soient communiquées ? Si tel est le cas, pourquoi cela n’a-t-il pas été précisé pour éviter de déstabiliser entraîneurs et athlètes envisageant d’amorcer ce travail et très soucieux de la notion de confidentialité ? A moins que ce papier ne s’apparente davantage à une stratégie de communication ? La psychologie des joueurs aurait-elle été utilisée comme outil de manipulation des foules ? N’a-t-on trouvé que ce rôle à lui faire jouer ? Pourquoi ne pas communiquer sur le travail effectué (d’autant que notre domaine a besoin de clarifier ses actions), sans parler d’individus en particulier ? Comment les joueurs ont-ils vécu cette interview ? En sortent-ils valorisés ? Vont-ils conserver le même état d’esprit vis-à-vis de ce travail ? Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en question la véracité des propos tenus mais de nous demander s’il paraît légitime que nous en ayons bénéficié. Dire d’un joueur qu’il manque de puissance n’aura jamais le même impact sur ce dernier que de mettre en avant ses carences mentales. C’est pourquoi ces informations sont à manier avec prudence et confidentialité.

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