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mardi 13 septembre 2011


Dis-moi ce que tu cultives, je te dirai d’où tu viens…

A Saint-Pierre-des-Corps, les jardins familiaux situés à l’extrémité est de la ville, à quelques jets de noyaux de pêche de l’usine Primagaz, sont un marqueur social qui vaut bien des études. Ici, se lit autant la diversité de la population que sa grande modestie ; autant le souci de se nourrir à moindre coût que de partager les joies simples du travail de la terre.
Sala Hessainia, 75 ans, soudeur-tuyauteur à la retraite. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
Créée en 1926, l’association qui gère l’attribution des parcelles est la plus ancienne de Saint-Pierre-des-Corps. D’une superficie de 177 à 300 m2, 85 jardins "familiaux" - on ne dit plus "ouvriers", même dans une ville aussi prolétaire que Saint-Pierre- sont proposés en location contre un loyer annuel de 60 euros. Le prix a beau comprendre la jouissance d’un cabanon en bois et l’accès illimité et gratuit à un puits indivuel, "pas mal de personnes nous disent que c’est beaucoup pour elles, indique Marie-France Puéchavy, la présidente de l’association. Nos adhérents sont en grande majorité des retraités qui touchent des petites pensions ou des bénéficiaires de minimas sociaux. Tous vivent en immeuble et s’ils viennent ici, c’est d’abord pour produire et consommer des légumes et des fruits qui leur coûteront moins cher qu’en supermarché."
Depuis "environ quatre ou cinq ans, estime-t-elle, le nombre des demandeurs est en augmentation constante". Une dizaine de jardins se libère chaque année ; il en faudrait deux à trois fois plus. Une extension a certes été ouverte il y a quelques années : la liste d’attente des requérants n’en cesse pas moins de s’allonger. "C’est affolant", dit encore Marie-France Puéchavy. Autre signe qui ne trompe pas : les visiteurs nocturnes venant se servir dans les rangées - qui de salades, qui de courgettes, qu’ils n’iront pas acheter en magasin - sont également plus nombreux. Une nouvelle extension de 48 jardins est à l’étude. Elle pourrait voir le jour d’ici un ou deux ans.
Marie-France Puéchavy est la présidente de l'association des Petits jardiniers de Saint-Pierre-des-Corps. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
En attendant, les heureux locataires ne ménagent pas leur peine. Faire pousser des tomates et des poireaux ici, en contrebas de la levée de la Loire, est un exercice à la fois facile et complexe. Facile car la terre est très sableuse et se travaille sans forcer. Complexe car la pauvreté de son humus contraint à l’ajout d’engrais. Faire du bio relève de la persévérance. Certains s’y essaient mais quasiment tous renoncent. Le fumier de vache reste la meilleure alternative mais encore faut-il posséder une remorque pour le transporter, "ce qui n’est pas donné à tout le monde quand on habite en HLM", en soupire un jardinier. Alors l’entraide fait le reste. "C’est aussi pour cela qu’on vient : se faire des amis, une fois en retraite", confie une ancienne ouvrière de l’agglomération tourangelle. S’échanger des graines et des conseils entre voisins est un usage plus que répandu. Boire l’apéro également. Tout comme râler contre ceux qui n’entretiennent pas leur parcelle et laissent les mauvaises herbes essaimer à tout-va, par-delà les grillages.
Et que cultive-t-on, ici bas ? Un peu de tout. Les Maghrébins – Algériens et Marocains, principalement – rivalisent dans la coriandre, la menthe et le pois chiche, aliments de base de leur culture culinaire. Un couple de Chinois fait pousser du maïs et des"légumes dont on ne connaît pas le nom". Il y a aussi des Arméniens, des Pakistanais, un Yougoslave et un ancien jardinier professionnel ayant vécu au Canada, spécialiste de la carotte blanche fourragère et de la tomate noire de Crimée.
Ces moulins à vent artisanaux sont censés éloigner les oiseaux. Leur efficacité est parfois très relative. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
Cet été, les potagers ont donné plus que de raison. Et bien plus que nécessaire. Parce qu’ils vivent en appartement et qu’ils ont peu de place chez eux, les jardiniers de Saint-Pierre-des-Corps préfèrent congeler leurs récoltes que de tout mettre en bocaux ou en conserves. Ils redistribuent également beaucoup autour d’eux. Tout en ayant conscience, parfois, que les habitudes alimentaires ont changé : "Quand je donne du céleri à mes gamins, ils me regardent en se disant : "c’est quoi ça ?", raconte Jacques, un ancien peintre en bâtiment. Dans le temps, il n’y avait pas le choix : on mangeait ce qu’il y avait sur la table. Et toutes les familles avaient un potager quelque part."
D'autres portraits de jardiniers corpopétrussiens.
Hadj Kies, 66 ans, retraité d'un sous-traitant d'Alstom, a travaillé sur l'isolation d'un grand nombre de centrales du parc nucléaire français. © Antonin Sabot / LeMonde.fr

Laïd Bedani, 60 ans, a été manutentionnaire chez Liotard, l'usine voisine de conditionnement de gaz.© Antonin Sabot / LeMonde.fr

Jacques Frichet, 64 ans, cheminot à la retraite, habite avenue Lénine dans un immeuble collectif. © Antonin Sabot / LeMonde.fr

Josette Bredif, 65 ans, une ancienne ouvrière de SKF, une importante usine de roulements à billes de l'agglomération. © Antonin Sabot / LeMonde.fr
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