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mercredi 23 mars 2011

Police  et cetera

23 mars 2011
Les policiers sont parfois appelés pour maîtriser un individu qui a visiblement perdu la raison. C’est une opération délicate, l’une des rares, d’ailleurs, où l’utilisation du Taser peut se justifier. Mais une fois cette mission menée à bien, les questions surgissent. Que faut-il faire de l’individu arrêté ? Garde à vue ? Procédure ? Ou au contraire, la mission de police administrative doit-elle prendre le pas sur la mission de police judiciaire…
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Hier, l’assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi sur les soins psychiatriques. Cette réforme, voulue par le Président à la suite d’un meurtre commis par un schizophrène en cavale, est fortement contestée dans le monde médical et même chez les magistrats. Certains parlent d’une dérive sécuritaire, tandis que d’autres, plus terre-à-terre, notent qu’il s’agit d’un artifice pour masquer « la misère » des services psychiatriques (deux fois moins de lits qu’il y a vingt ans).

Mais le projet de loi prévoit également d’apporter des modifications à l’hospitalisation d’office – autrement dit l’internement sans consentement.  On parle de 70 000 personnes retenues ainsi contre leur gré. Dans le même temps, dans un avis publié au JO du 20 mars , Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, tire la sonnette d’alarme. Il s’inquiète de l’accroissement préoccupant dans les hôpitaux de personnes dont la maladie n’exige plus qu’elles soient privées de liberté. Et il dénonce aussi (et surtout) les modalités de l’internement d’office lorsque la décision est prise par les préfets.

Quelles sont aujourd’hui les conditions requises pour procéder à un internement d’office ? Tout est dans le Code de la santé publique, lequel a fait l’objet d’un sérieux relookage dans les années 2000 (art. L3212 et suivants).

Le plus fréquemment, il s’agit d’une décision qui fait suite à la demande d’un tiers, souvent un parent. Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Elle est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours.

Dans les autres cas, lorsqu’il s’agit de malades dangereux ou susceptibles de troubler gravement l’ordre public (environ 15 000 par an), c’est le préfet (à Paris, le préfet de police) qui prononce un arrêté pour décider de l’hospitalisation d’office. Et, le directeur de l’établissement doit lui transmettre dans les 24 heures un certificat médical établi par le psychiatre maison. Tous ces mouvements, (entrée, sortie, etc.) sont inscrits sur un registre (que certains nomment “fichier des fous”). Le préfet a ensuite trois jours pour transmettre les informations concernant sa décision au procureur de la République. Au bout de deux semaines, le psychiatre doit établir un nouveau certificat médical pour faire le point sur l’évolution de la maladie. Au vu de ce document, l’hospitalisation peut être maintenue pour une durée d’un mois, renouvelable ad vitam aeternam selon les mêmes modalités. Pour ressortir, le patient doit obtenir le feu vert du psychiatre et une décision positive du préfet. Avec le principe de précaution, c’est pas gagné…

C’est donc dans ce genre de situation que le policier ou le gendarme intervient, puisque le comportement dangereux se manifeste le plus souvent dans un endroit public. Il s’agit donc bien d’un acte de police administrative effectué sous l’autorité du préfet.

Sauf à Paris, où le commissaire de police possède, en cas d’urgence, le même pouvoir qu’un maire. C’est-à-dire celui de faire procéder à l’internement d’office, à charge d’en référer au préfet de police dans les 24 heures. Pouvoir personnel du commissaire d’arrondissement, dont se fait l’écho le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans un rapport où il accable la séculaire « infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ». Et de s’interroger pour savoir si cette organisation parisienne « qui tire son origine de la compétence donnée au préfet de police en 1800 » présente des garanties suffisantes…

Depuis la nuit des temps, le sort des malades souffrant de troubles mentaux a toujours été lié au sort de ceux qui peuvent être victimes de leur comportement. Avec des controverses sans fin. Et le plus souvent, à défaut de pouvoir les soigner, on a choisi de les écarter de la société. Ce qui a conduit parfois, sous prétexte de bienséance, à des internements arbitraires. Car, dans les faits, on donne au médecin et au préfet le pouvoir du juge : priver quelqu’un de sa liberté.

Il n’y a pas de solution miracle, mais en liant le juge et le médecin, on pourrait peut-être se rapprocher du « moins mal ». En tout cas, le renforcement des pouvoirs du préfet pour placer ou maintenir quelqu’un dans un milieu fermé peut difficilement passer la porte d’une démocratie. Dans ce domaine, le représentant de l’État n’est légitime que pour gérer l’urgence. Ensuite, il doit passer la main.

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