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samedi 19 février 2011

« La psychanalyse est une cure, la confession une promesse »

Selon Maryse Vaillant, psychanalyse et confession ne peuvent se confondre ni s’opposer

ENTRETIEN
Maryse Vaillant
Psychologue et écrivain


La Croix : Vous qui avez beaucoup travaillé sur le pardon, quelle différence faites-vous entre le psychologue ou psychanalyste et le confesseur ?

Maryse Vaillant : Tout les différencie, car le psychologue ou le psychanalyste, quand il est en position clinique, n’a pas Dieu. Il est seul avec l’analysant et avec son histoire, et n’a d’autres outils que lui seul. Le prêtre au confessionnal reste un homme, certes, mais lui, quand il écoute le pénitent, il est habité par la mission qui est la sienne. Et quand il parle, cela lui donne un tout autre statut.

Le psychologue va, au fil des séances, renvoyer l’analysant à lui-même. Par la manière dont il l’amène à s’exprimer, il lui fait entendre qu’il est au cœur de ce qui lui arrive. Il est le sujet. Et c’est en quoi une psychanalyse, qui peut aider à traverser sa culpabilité, n’est pas un voyage de tout repos.

Le prêtre, pour sa part, apporte une autre dimension. Loin d’être là pour culpabiliser les personnes, il montre qu’il y a un sauvetage et un Sauveur. La confession n’est pas du même registre que l’introspection parce qu’à travers l’écoute et la parole du prêtre, elle apporte la parole de Dieu, extérieure et transcendante.

En quoi les recours à l’une ou à l’autre ne sont pas incompatibles ?

Les démarches ne s’opposent pas. Le croyant peut faire une psychanalyse et être dans la confession, ou même dans la conversation spirituelle avec un prêtre. Moi qui suis athée, je crois que la spiritualité fait vraiment partie de l’être humain. Elle peut d’ailleurs s’avérer torturante. Et lorsque les souffrances en arrivent à ce point, pour le coup, le psychanalyste peut s’avérer plus efficace que le prêtre.

Qu’apporte exactement le psychothérapeute au patient qui a recours à lui ?

Un chemin, un accompagnement, un voyage en lui-même, une cure. Son outil principal est le transfert. C’est ce qui va permettre à l’analysant de vivre ou de revivre, d’affronter, de supporter des épreuves qu’il avait refoulé et ne pouvait assumer.

De la part du psychothérapeute, il s’agit d’une démarche ni scientifique, ni spirituelle, mais technique. Cette démarche suppose de croire à la circulation de l’inconscient à travers les mots, les phrases, les silences, les lapsus. Il n’y a pas là de promesse d’un monde meilleur, ni de béatitude, rien que le temps humain, et pas d’au-delà.

Le meilleur cadeau que puisse faire un psychanalyste à son analysant, c’est sa capacité professionnelle à l’écouter quoi qu’il dise, de ne pas se dérober ni empiéter. Ne pas sortir de sa place, mais la tenir. Sa promesse à lui, c’est son éthique.

Et selon vous, qu’apporte le prêtre, en tant que confesseur ?

La parole du prêtre qui dit, « Et moi, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés, allez en paix », ne peut qu’être apaisante. Je crois à la force que peut apporter la religion à ceux qui croient. Je crois à la foi, vraiment. Celui qui a la foi et entend un homme mis en place pour être représentant de Dieu lui dire que tout ira mieux, ne peut qu’aller mieux. La place du prêtre donne à sa parole un poids de vérité. Il s’agit d’une parole symbolique agissante.

Je trouve magnifique qu’un prêtre puisse dire que c’est l’amour de Dieu qui va tirer le pénitent de son enfermement. Il postule ainsi que l’amour de Dieu peut le tirer hors de ses ornières, et c’est bien cela, la transcendance. Cette parole de résurrection est magnifique. Et moi, pour cela, j’adorerais avoir la foi…

S’agit-il alors de promesses sans fondement pour la psychologue que vous êtes ?

La foi est un cadeau qui n’est pas donné à tout le monde. Certaines promesses, néanmoins, peuvent se révéler très dangereuses lorsque ce sont des gourous qui les font, car cela leur donne un pouvoir énorme.

L’enseignement du Christ, lui, a fait ses preuves depuis deux mille ans, et les valeurs chrétiennes, comme d’ailleurs dans d’autres religions, sont extrêmement respectables. Mais l’honnêteté du psychanalyste l’oblige à ne jamais prendre la place de quelqu’un qui promet. Il n’en a pas le droit. Il ne le peut.

La pénitence et le pardon sont-ils des notions acceptables en psychanalyse ?

La pénitence peut être comprise comme un moment où l’on arrête d’aller de l’avant, et où on a besoin de regarder en arrière. Se priver peut avoir une fonction de limite et apaiser. Quant au pardon, même dépouillé de sa dimension grandiose et religieuse, il aide à se réconcilier, à sortir du cercle de la haine et du ressentiment.

C’est un mouvement vers l’autre fait de gratitude, et donc, lui aussi, d’apaisement. J’y crois beaucoup. Quand bien même il s’agirait d’un pardon provisoire, lorsque quelqu’un peut dire « je te pardonne », il fait un cadeau magnifique à la personne qui est pardonnée.
Recueilli par Louis de COURCY


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