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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 9 novembre 2010

Psychiatrie : la réforme est-elle dangereuse ?

Plaidoyer pour soigner la folie autrement

Par Claude LOUZOUN, psychiatre, 
Pour le collectif Mais c’est un Homme.

Désormais, même le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’inquiète du cours sécuritaire imposé à la psychiatrie. C’est bien là dans la logique de la politique de la peur et du discours du président de la République du 2 décembre 2008 à Antony (92). Un projet de loi, qui sera débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat début 2011, déploie cette orientation. Il introduirait une « garde à vue psychiatrique » de soixante-douze heures et pourrait maintenir une personne dans une contrainte à des « soins sans consentement » renouvelables à merci. Ce « soin sans consentement » inscrirait la personne dans un fichier national des malades mentaux, mettrait la personne concernée sous surveillance (pourquoi pas par géolocalisation), sous traitement contraint (l’injonction de force de neuroleptique retard, au besoin à domicile, en serait le modèle), sous gestion du préfet au nom de l’ordre public et du soin conçu comme mesure de sûreté.

La personne présentant des troubles psychiques n’est pas porteuse de la dangerosité sociale. Son refus de soins, éventuel, ne doit en aucun cas la conduire à la trappe psychiatrique sous-tendue dans ce projet de loi. Nous ne pouvons accepter que quiconque soit considéré comme un homme sans qualité, sans discernement, objet de soins contraints à perpétuité.

Nous disons à ses partisans, sans crainte de nous tromper, que ce projet de loi n’est pas simplement le moyen de bien soigner quelqu’un qui ne veut pas l’être. L’appel Mais c’est un homme va plus loin : nous proposons une alternative de rassemblement pour préserver ou retrouver un autre type de relation – critique – de la psychiatrie au contrôle social et aux libertés individuelles, pour défendre une certaine représentation de la folie et de la psychiatrie, tout opposée à ce qui est affirmé aujourd’hui, pour assumer dans une tension dynamique le respect des libertés de la personne et l’engagement de la responsabilité de soignant.

Des décennies de psychiatrie contemporaine illustrent qu’il existe une éthique et des pratiques qui montrent que l’on peut accueillir et soigner la folie autrement. Ce sont elles qui doivent imposer ou soutenir les contenus de la loi. Elles soutiennent qu’un tel type de soins peut et doit être conçu comme exceptionnel et limité dans la durée, qu’il signe une limitation ou une privation de liberté et qu’en tant que tel il relève de l’autorisation et du contrôle du juge judiciaire.

Ouvrons dès lors le débat (*). Après Toulouse, Chambéry, Bordeaux, ce sera le cas ce soir à Paris en présence de parlementaires, de professionnels et d’usagers de la psychiatrie, de défenseurs des droits de l’homme et de magistrats. De 17 heures à 21 heures, à l’espace Jean-Dame, 17, rue Léopold-Bellan 75002.

(*) « Mais c’est un homme… L’appel contre les soins sécuritaires » est disponible et peut être signé sur le site www.maiscestunhomme.org.
Claude LOUZOUN
Le CNS s’inquiète de la remise en cause de l’AME

Le Conseil national du sida (CNS) appelle les pouvoirs publics, « s’ils souhaitent réformer l’AME, à l’intégrer pleinement dans le dispositif de couverture maladie universelle ». Une telle mesure « réaffirmerait avec force, selon le conseil, le principe fondamental de solidarité de la politique française d’accès aux soins pour tous ». Car, rappelle le CNS, « toutes les personnes résidant en France doivent pouvoir bénéficier d’un accès inconditionnel et universel aux soins, indépendamment de leur situation administrative au regard du séjour ».

Le CNS s’émeut des mesures adoptées par l’Assemblée nationale dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances 2011, notamment l’instauration d’une contribution annuelle de 30 euros pour les bénéficiaires adultes et la limitation du remboursement des actes médicaux aux seuls actes dont le service médical rendu est important ou modéré.

« L’adoption de ces mesures intervient dans un contexte général de remise en cause de l’accès aux soins pour les étrangers en France : durcissement des conditions d’accès au droit au séjour pour raisons médicales voté par l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen en première lecture de la loi dite Besson ; tentatives de durcissement des conditions d’accès à la couverture maladie universelle (CMU) pour les étrangers en situation régulière dans le cadre des discussions du projet de loi de finances de la Sécurité sociale », rappelle le conseil. Ces mesures, si elles étaient définitivement adoptées par le Parlement, constitueraient un frein indéniable à l’accès aux soins des étrangers alors que les conditions d’accès sont déjà très contraignantes et que « les fraudes et les abus sont extrêmement limités ».

Le CNS rappelle que les bénéficiaires de l’AME sont souvent atteints de pathologies lourdes comme le VIH/sida, les hépatites ou la tuberculose, qui nécessitent une prise en charge précoce et continue.

Dr L. A.

Quotimed.com, le 09/11/2010
Le bilinguisme, un avantage contre l’Alzheimer

Parler couramment deux langues peut retarder l’apparition des symptômes de la maladie d’Alzheimer de cinq ans. Cette constatation émane d’une étude des dossiers de 211 patients ayant un diagnostic probable de maladie d’Alzheimer.

« Nous ne sommes pas en train de déclarer que le bilinguisme peut prévenir l’apparition de la maladie d’Alzheimer ou d’autres démences », avertissent Ellen Bialystok et coll. (Canada). « Mais cela peut contribuer aux réserves cognitives du cerveau, qui permettent de retarder les manifestations symptomatiques d’Alzheimer, telles que la perte de mémoire, la confusion ou les difficultés à prévoir et à résoudre les problèmes. »

Les 211 patients ont été inclus entre 2007 et 2009. Parmi eux, 102 ont été classés comme bilingues.

Les chercheurs trouvent chez ces derniers, comparativement aux personnes monolingues, un délai allongé de cinq ans avant l’apparition des symptômes et allongé de 4,3 ans avant que soit posé le diagnostic d’Alzheimer.

Toutefois, les deux groupes sont équivalents pour ce qui est des mesures des altérations cognitives. Il n’y a pas d’effet d’un éventuel statut d’immigré, ni du niveau d’éducation, ni du sexe.

Des résultats particulièrement intéressants pour des sociétés traditionnellement bilingues, comme le Canada où cette étude a été menée.

« Ces résultats ajoutent des données aux preuves croissantes que les facteurs du mode de vie, tels qu’un entraînement cardio-vasculaire, un régime sain et une connaissance de plus d’une langue, peuvent jouer un rôle central dans la façon dont le cerveau gère les déclins cognitifs liés à l’âge et les maladies dégénératives telles que l’Alzheimer. »

Dr BÉATRICE VUAILLE


« Neurology », 9 novembre 2010.
Quotimed.com, le 09/11/2010
La réforme de la médecine du travail censurée par les Sages

Le Conseil constitutionnel vient de torpiller la réforme de la médecine du travail, en censurant les treize articles qui y sont relatifs au sein du projet de loi sur les retraites. Ces articles, « ajoutés par amendement », n’ont « pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial », estiment les Sages, qui parlent de « cavaliers législatifs » contraires à la Constitution. C’est là un sérieux revers pour le gouvernement qui a porté cette réforme tout au long de ces derniers mois, malgré la vive contestation suscitée chez les médecins du travail, qui redoutaient une mise en cause de leur indépendance professionnelle vis-à-vis des employeurs. Le Conseil constitutionnel a en revanche validé la réforme des retraites adoptée par le Parlement le 27 septembre, et notamment le report à 62 ans de l’âge minimum de départ à la retraite.
D. CH.

Quotimed.com, le 09/11/2010
Nouvelles psychanalytiques

Éthique, Philosophie, Psychanalyse : la questions des normes

Premières journées interuniversitaires CERSES/CNRS/Université Paris Descartes - Philosophies contemporaines/Université Panthéon-Sorbonne - CRPMS/Université Paris Diderot – Les 3 et 4 décembre 2010



Les questions éthiques sont au centre des réflexions contemporaines et nécessitent des approches croisées et transdisciplinaires d'autant que l'éthique elle-même est devenue une question dans le monde d'aujourd'hui.

Il ne s'agit pas d'appliquer des théories pré-existantes mais de mener une réflexion contextuelle sur les processus d'élaboration de l'éthique et des normes. Ces journées entendent porter une interrogation sur des questions d'actualité pour faire apparaître et explorer des objets communs à partir d'une pluralité d'approches méthodologiques et disciplinaires.

Ce rapprochement vise à mettre à l'épreuve des méthodes d'investigation et de recherche pour formuler une analyse épistémologique des questions  en jeu. Plus spécifiquement, la démarche adoptée vise à rendre compte d'enjeux normatifs ancrés dans des pratiques et des contextes socio-politiques changeants. Elle entend proposer des analyses en situation tant du point de vue descriptif que normatif.

Nous entendons développer une démarche interdisciplinaire de recherche en éthique aussi exigeante sur les plans philosophique et psychanalytique, que sur les plans des sciences sociales. Dans cette perspective, il convient de tenir ensemble la complexité du raisonnement moral en contexte et l'interrogation normative

Ce projet réunit trois équipes de recherche, le Centre de recherche Sens, Éthique, Société (CERSES/CNRS/Université Paris Descartes), le Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (CRPMS/Université Denis Diderot) et Philosophies contemporaines (Université Panthéon-Sorbonne). Tous trois produisent des travaux en éthique, chacun selon des orientations épistémologiques différentes mais avec des ancrages disciplinaires qui peuvent être communs. Il y a déjà eu des collaborations de recherche sur la base de relations interpersonnelles entre des chercheurs des trois équipes (séminaire Analyses normatives contemporaines (ANCO) depuis 2004 ; séminaire Politisation et moralisation de la nature 2008-2009 ; participation à la création du Master Médecine et Humanités). C'est sur cette base que les trois unités souhaitent aujourd'hui développer et structurer un partenariat de recherche et de formation en éthique.

PROGRAMME ici
Nouvelles psychanalytiques

Enseignement à l'ECF : “L'autisme généralisé”

Animé par Yves-Claude Stavy - Première soirée Jeudi 18 novembre 2010 - Elles auront lieu les jeudis 18 novembre et 2 décembre 2010 - Puis les jeudis 20 janvier, 17 mars, 28 avril, 26 mai, et 23 juin 2011.

Yves-Claude Stavy interviendra sous le titre : "on le sait soi", lors de la première soirée de son enseignement le jeudi 18 novembre à 21h15 dans les locaux de l'ECF.

« Tout le monde est fou, c’est à dire délirant » : cet aphorisme de Lacan en 1978 (1), longuement commenté par JAM(2), n’a – t- il pas pour pendant, un « se jouit » du corps vivant: ‘intraitable’ quelalangue (celle dont dispose chaque parlêtre), « porte à son effet développé » (3) ?

D’où ce titre : « autisme généralisé ».

- Il y a certes, ce qui relève de ‘l’autisme’, forme clinique de psychose : « ceux qu’on dit ‘autistes’ », dont le mode de certitude se différencie de celui de la paranoïa, de celui de la mélancolie, - et même, de celui de la schizophrénie. Ni Freud ni Lacan, ont cru devoir jeter au panier  « la clinique »  de la psychiatrie traditionnelle, celle des « types de symptômes » - dont Lacan précise « qu’elle est d’avantréférer le discours analytique » (4). Mais c’était pour « l’éclairer », non pour la compléter.  C’était la aux enjeux de la psychanalyse, tels qu’ils se posaient à eux, à tel ou tel moment de leur énonciation. (Cf Freud dans sa correspondance avec Jung). '” (…)

lire la suite sur le site de l’ECF
L'art et la manière de vous guérir


Sandrine Rouillon est art-thérapeute. Plus exactement, elle est « animatrice d'ateliers d'expression à visée sociale, culturelle et thérapeutique ». Un statut obtenu après une formation de 2 ans à l'Art Cru de Bordeaux, sous l'égide d'un psychiatre et d'un sociologue. Par l'art, Sandrine aide tout un chacun à se reconnecter avec son soi. «Il s'agit d'une réparation inconsciente des problèmes, explique l'art-thérapeute. Lorsqu'on choisit une couleur ou une forme, le corps exprime un besoin, un sentiment… et se soigne. » Lors des ateliers de Sandrine, individuels ou collectifs, le but n'est pas de rechercher les causes du mal-être, mais de le faire disparaître. «Petit à petit, on acquiert une meilleure connaissance de soi.»

La puissance du mandala

Il y a un mois, l'art-thérapeute a décidé de mettre en place des ateliers mandala, dessin circulaire et structuré d'origine tibétaine. Les moines bouddhistes utilisent les symboles universels du mandala comme vecteurs de prière. En psychiatrie, le mandala est très souvent utilisé comme outil neuropédagogique, notamment pour travailler avec les enfants, les personnes âgées ou handicapées. «Le mandala sert à se recentrer et à se détendre, poursuit Sandrine. Il agit directement sur notre cerveau. Dans notre société, on utilise beaucoup l'hémisphère gauche, partie qui rationalise. Le but de l'atelier mandala est d'équilibrer avec l'hémisphère droit, qui gère les émotions.»

Trois phases pour s'apaiser


«Ces ateliers correspondent à un travail de fond sur un an, découpé en trois phases. » Lors des premières séances, les participants choisissent un motif de mandala et le colorent selon leurs envies. Puis ils y associent quatre mots, avant d'expliquer au groupe leurs ressentis. Il n'y a pas besoin de savoir dessiner ni d'obligation de montrer son mandala. La seconde phase consistera à compléter un mandala inachevé. «Ceci a un effet structurant sur la personne et permet de «réparer» avec des formes géométriques.» Enfin, la dernière étape correspond à de la création pure, à partir d'une feuille blanche et d'une intention de départ. «Chacun rentre alors en phase avec ses potentiels et ses projets.» Si ces concepts peuvent paraître complexes à saisir, la meilleure façon de les comprendre est sans doute de les expérimenter.

Atelier mandala : à Moissac (boutique Biosoma), 2 mercredis par mois, de 19 h 45 à 21 h 45, 25 € par atelier (matériel compris); à Boudou, consultation individuelle sur rendez-vous (45 €). Contact: 05 63 04 51 11 ou 06 83 34 35 90.
Le G5 met en garde contre l’affaiblissement des industries de santé

Les cinq principaux laboratoires pharmaceutiques français alertent ce lundi les pouvoirs publics sur les mesures envisagées dans le cadre du projet de la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2011), jugeant qu’elles « risqueraient d’affaiblir les industries de santé » en France.

Dans un communiqué, le G5, qui rassemble IPSEN, Pierre Fabre, sanofi-aventis, Servier et le LFB, fait valoir que « toute nouvelle mesure de réduction des dépenses de santé doit faire l’objet, au préalable, d’une étude d’impact » et estime que « les outils performants de politique industrielle actuellement en vigueur, comme le crédit d’impôt recherche et le régime de taxation des revenus des brevets (...), doivent être maintenus ».

Pour appuyer son propos, le G5 révèle par ailleurs des statistiques issues d’une étude menée par le bureau d’études Bipe. Selon ces données, le chiffre d’affaires en France des cinq groupes concernés atteignait en 2008 pour les médicaments remboursables 5,83 milliards d’euros, pour 43 900 emplois et des dépenses en recherche de 2,44 milliards d’euros. À la même période, ces cinq groupes payaient 2,5 milliards d’euros d’impôts et de cotisations sociales et représentaient un excédent de 7 milliards d’euros pour la balance commerciale.

Quotimed.com, le 08/11/2010
Le Logement d’abord

Le principe du « logement d’abord » signifie que l’accès à un logement ordinaire de droit commun doit être privilégié autant que possible, sans qu’il y ait de passage obligatoire par l’hébergement, sauf à ce que la situation de la personne le justifie. Ce principe s’applique aussi bien pour les personnes proches de l’autonomie qu’aux plus vulnérables. Le principe rappelle également que toutes les formes d’hébergement doivent se rapprocher des normes du logement et garantir aux usagers la sécurité, la dignité et l’intimité.

Programme « Un Chez-soi d’abord »


Sur la proposition du docteur Vincent GIRARD, psychiatre à Marseille, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de la santé et des sports, et Benoist APPARU, secrétaire d’Etat en charge du logement et de l’urbanisme, ont décidé d’expérimenter en France un programme de type « Housing First » tel qu’il a été mis en œuvre aux Etats-Unis et au Canada et qui favorise l’accès à un logement ordinaire, moyennant un accompagnement adapté, aux personne à la rue atteintes de troubles psychiques sévères.

Pour accéder aux documents, cliquer ici




Maltraités enfants, ils ont repris leur destin en main

Alors que s’ouvrent mardi 16 février, à Paris, les états généraux de l’enfance, deux hommes et une femme qui ont connu, petits, la maltraitance, racontent comment ils s’en sont sortis

Son histoire, il l’a racontée dans un livre (1) il y a cinq ans. « Je l’ai écrit dans un état second, aujourd’hui, je ne peux pas le lire », confie Patrick Dugois. Difficile d’imaginer l’enfance de cet homme affable, à la voix posée et chaleureuse, devenu en 2007 le délégué général d’Emmaüs France après une carrière dans les coulisses de la politique.

L’ancien assistant parlementaire de Jack Lang et conseiller de Michel Sapin à la région Centre est issu d’une fratrie de 11 enfants, nés de cinq lits différents. Élevé dans un ancien poulailler, sans eau courante ni chauffage, les premières années de sa vie ont été marquées par le froid, la faim mais surtout la peur. « Le pire, c’était l’épée de Damoclès que nous avions sur la tête. Mon père, alcoolique et suicidaire, pouvait disjoncter n’importe quand, confie-t-il. Il n’y avait pas de tranquillité possible. »

À 8 ans, pour un mot plus haut que l’autre, ce dernier le roue de coups au point de lui casser le nez ; une autre fois, il s’acharne sur son frère en lui tapant la tête contre le sol jusqu’à ce que leur mère intervienne. « On touchait au vital, ça pouvait basculer à tout moment », se souvient Patrick Dugois. Comme ce fut le cas chez ses cousins, un épisode qui l’a marqué à vie. Un jour en effet, son oncle, excédé par les pleurs de l’un de ses fils nourrisson l’avait enfermé dans le frigo. Il en est mort. « On ne peut pas se construire dans un tel contexte. »

"Vous n’imaginez pas à quel point la misère sociale et affective est un enfermement"

Patrick Dugois, pourtant, s’en est sorti. Il se décrit aujourd’hui comme « un rescapé de la culture », car c’est d’abord l’école qui l’a sauvé : « J’étais un bon élève. Je m’étais aperçu qu’avec de bonnes notes, on posait sur moi un autre regard. » Dès l’école primaire, une institutrice le prend sous son aile, fait montre d’attention et de bienveillance à son égard. « Les rencontres, poursuit le délégué général d’Emmaüs, sont déterminantes. »

Plus tard, apprenti dans le bâtiment, il choisit de reprendre ses études à la faveur d’un licenciement économique. Il habite alors chez une tante, à Paris, qui elle aussi lui apporte un soutient sans faille. Des rencontres et des hasards. « J’avais une vingtaine d’années mais pas le bac et je ne savais pas comment accéder à l’université. Dans la file pour m’inscrire à Nanterre, j’entends dire qu’à la Sorbonne, il existe une filière d’équivalence en deux ans. » Une information clé pour le jeune homme encore fragile, dont la vie menace parfois de basculer, entre l’alcool et les propositions douteuses du milieu de la nuit.

« Vous n’imaginez pas à quel point la misère sociale et affective est un enfermement. On est dans la survie, on ne sait pas ce qui existe pour s’en sortir, comment chercher... Qui sait ce qui ce serait passé si je n’avais pas entendu parler de cette filière. » Patrick Dugois retrouve le chemin des classes, passe son bac, décroche un Deug de lettres puis un DEA, avant d’entrer à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

"J’ai décidé de suivre une psychanalyse pour ne pas être dans la reproduction"

Les blessures ont été longues à cicatriser. Et le risque de sombrer l’a encore poursuivi un temps, notamment en devenant père. « Un soir, se souvient-il, j’étais seul avec mon fils, mon épouse était sortie. Il pleurait énormément, je ne parvenais pas à le calmer. J’ai alors perdu pied : il fallait que les pleurs s’arrêtent. Ils m’étaient insupportables, c’était devenu, dans ma tête, ceux de mon cousin mort dans le frigo… J’ai failli être très violent. À ce moment-là, j’ai décidé de suivre une psychanalyse pour ne pas être dans la reproduction. »

Reproduire ce dont il a été victime, voilà bien ce qui, parfois, terrifie Jérôme Nozet, régulièrement violé dans son enfance par un ami de ses parents. « J’aimerais devenir père un jour mais j’ai encore cette peur viscérale, souffre ce trentenaire, qui vit à Besançon. Quand je m’occupe de mes neveux et nièces, je garde toujours une certaine distance. » Pourtant, le jeune homme a entamé un travail de fond sur lui-même, qui porte ses fruits. « Si j’arrive aujourd’hui à tourner la page, c’est parce que je suis suivi, depuis cinq ans, par une psychiatre spécialiste des abus sexuels. Elle m’aide à me défaire de ma culpabilité », explique-t-il.

Grâce à cette analyse, il en a terminé « avec le bruit de fond » qui pendant quinze ans, jusqu’à ce qu’il rompe le silence, le poursuivait du matin au soir. « Afin que cesse cette douleur, il fallait dormir, boire de l’alcool ou fumer des joints jusqu’à un état de délabrement complet. » Jérôme Nozet en a donc fini avec cette autodestruction, qui a longtemps miné sa relation aux autres. Grâce à la psychanalyse mais aussi à l’action judiciaire engagée contre son agresseur. « Cette démarche a été vitale pour moi. D’abord parce que j’ai pu diriger la colère contre lui et non plus contre moi-même ; ensuite parce qu’on a besoin, dans ces cas-là, d’être reconnu comme victime par la société.»

"En aidant les autres, j’ai retrouvé le sentiment d’exister"

Aujourd’hui, Jérôme regrette que l’action ne soit pas allée jusqu’au procès, son agresseur s’étant suicidé au cours de l’enquête. À la tête d’une association (2), il vient en aide à d’autres, qui ont subi comme lui des agressions sexuelles. « C’est une énorme richesse. En les aidant, j’ai retrouvé le sentiment d’exister », souligne le jeune homme qui, aujourd’hui, espère construire une vie à deux.

Nathalie, elle, n’a jamais porté plainte contre son beau-père, qui l’a violée lorsqu’elle était âgée d’une dizaine d’années. « Je n’ai pas voulu le poursuivre en justice parce que j’avais peur qu’il me le fasse payer, c’est un homme dangereux, affirme cette Normande de 45 ans. Je craignais aussi, peut-être plus encore, de perdre le procès. »

Peur de pas être crue, de ne pas être reconnue comme victime tout en prenant le risque d’affronter les souvenirs de l’inceste. « Je ne veux pas fragiliser l’équilibre que j’ai construit », dit cette mère de deux enfants de 17 et 8 ans. Dans son parcours pour aller mieux, la maternité a été déterminante. «Avant la naissance de mon fils, j’étais quelqu’un de marginal, j’avais des conduites à risques. Je buvais, je multipliais les partenaires… Mes enfants m’ont aidée à retrouver l’estime de moi. Quand je les vois épanouis, je suis fière. »

Marine LAMOUREUX


dimanche 7 novembre 2010

Désenchantements
Paroles d’enfants placés en structures de l‘Aide sociale à l’enfance

par Jean-Louis   MAHÉ
Collection : Action sociale

 Des paroles d’enfants sur cette expérience très particulière pour eux : le placement. Comment vivent-t-ils ce moment là fait de rupture avec leur famille et de découverte d’un monde nouveau ? Comment s’adaptent-ils aux lieux , aux personnes : enfants et adultes qui les entourent désormais ? Comment se représentent-ils cet environnement nouveau et souvent imposé ? Qu’ont-ils à dire aux adultes qui les entourent, les ont entourés ou les entoureront plus tard ?
Leurs paroles mais aussi leurs écrits ou leurs dessins sont le fruit d’un mélange entre imaginaire et réalité. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une réflexion globale des structures de l’aide sociale à l’enfance, du placement et sur les évolutions nécessaires à penser pour l’avenir.
Cette démarche d’implication s’inscrit aussi dans un désir de faire des ces enfants qui subissent le placement des sujets à part entière de leur histoire. Les écouter, recueillir leur paroles c’est faire preuve d’intérêt et de respect à leur égard, c’est faire d’eux des citoyens à part entière.

Extrait
« C’est pour elle l’entrée dans un monde, de nouvelles personnes, de nouveaux murs. Mais quel est cet endroit tellement froid, se dit-elle, y trouverai-je ma place ?
Comment ? Pourquoi ? Une étrange sensation la parcourt.
Qui sont ces gens qui me sourient, que me veulent- ils ? Pensent-ils me rassurer avec leurs sourires ? Pourrai-je leur faire un jour confiance ?…»
(Courage, p. 131)

Jean-Louis Mahé est psychologue clinicien à l'Aide sociale à l'enfance du Val de Marne. Depuis longtemps son travail est traversé par la nécessité de partager son expérience professionnelle avec les autres. C’est dans cette perspective qu’il a réalisé des films documentaires dont
Ces enfants venus d'ailleurs en 2006 et publié, en 2004, La maison des enfants (des chemins d'enfance difficile) aux éditions L'harmattan, et en 2009, L'ombre des origines (à la rencontre d'« anciens » de l'Aide sociale
à l'enfance), aux éditions Albin Michel.

Émilie Garcia Ballester est psychologue clinicienne. Elle prépare une thèse à l'université Paris VII sur la situation de placement en collectivité à l'adolescence.

Nouvelles psychanalytiques
29 octobre 2009

A propos de Enfances Narcisse,
de Claire Nouvet,
Galilée,
2009

“Avec Enfances Narcisse, aux éditions Galilée, Claire Nouvet offre au lecteur un maître livre [3] Pointu, passionnant, et vraisemblablement dérangeant.

Puisqu’il s’agit, en fin de compte, par delà une lecture renouvelée, et profonde du mythe de Narcisse et Écho au chapitre III, des Métamorphoses d’Ovide, d’un ouvrage qui pose très essentiellement la question de l’écriture et de soi, je voudrais tout d’abord poser en écho ou comme en exergue, à l’heure où prolifèrent les écritures de soi, deux extraits en provenance de L’écriture de soi ce lointain intérieur [4] d’Alain Milon, aux éditions encre marine [5].” (…)

> compte-rendu à lire sur Lettre(s) de la Magdelaine

Présentation de l’éditeur :


Le moi a ses enfances qu'il préfère oublier. Narcisse s'en fait le témoin. Bien malgré lui. Dans le visage que le miroir reflète ou la voix que l'écho renvoie, une enfance persiste dont il ne veut rien savoir. Cette enfance est, tout à la fois, une agonie et une chance. Une agonie, car elle intime à un moi un peu trop sûr de lui qu'il ne naît à lui-même qu'en perdant la voix qu'il croit avoir et le moi qu'il croit être. Une chance, car la perte qui le frappe est, qu'il accepte de le reconnaître ou non, ouverture à l'autre. Elle l'ouvre également à la possibilité d'une écriture. Pour Ovide, le chemin vers l'écriture passe en effet par Narcisse - et par ses enfances.
La Raison En Feu Ou La Fascination Du Cinéma Pour La Folie

 


Ouvriers et cadres, de moins en moins égaux devant la mort
Par Carine Fouteau
5 Novembre 2010
* Les ouvriers paient la retraite des cadres, la formule-choc fonctionne toujours. Le système de soins français a beau être l'un des plus performants au monde, les inégalités sociales devant la mort restent parmi les plus élevées des pays occidentaux.

Alors que le Parlement vient d'avaliser la réforme des retraites, repoussant l'âge légal de 60 à 62 ans, ce paradoxe glaçant est analysé en profondeur par l'anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin, dans un ouvrage collectif panoramique, Santé publique, l'état des savoirs, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.

Ni les avancées des connaissances et des techniques médicales, ni l'amélioration des conditions de vie, ne résorbent les écarts de mortalité entre catégories socioprofessionnelles. Au contraire, depuis les années 1970, le fossé a tendance à se creuser. Les données ne sont pas nouvelles, mais méritent d'être rappelées, tant elles pointent l'une des failles structurelles des politiques françaises de santé publique. Dès 1830, le sociologue et médecin Louis-René Villermé établissait un lien entre la mortalité dans les quartiers de Paris et les niveaux de richesse.

Selon l'Insee, un ouvrier non qualifié a aujourd'hui une espérance de vie à 35 ans plus faible de neuf années par rapport à un cadre de la fonction publique (les références sont sous l'onglet Prolonger). La différence est encore plus grande en prenant en compte l'espérance de vie en bonne santé: un cadre de 35 ans peut espérer vivre encore 34 ans sans incapacité, contre 24 ans pour un ouvrier. En un quart de siècle, l'écart entre les deux groupes a augmenté de 16%, notamment sous l'effet, au cours de la période récente, de la hausse des différences de revenus en France, entre les très riches et les très pauvres. Presque aucune pathologie n'échappe à la règle. Chômage et inactivité sont des facteurs aggravants. Pour les femmes, les inégalités sont aussi importantes, mais moins marquées que pour les hommes.

Les modes de vie continuent d'être discriminants : les ouvriers, en moyenne, fument plus et boivent plus d'alcool que les cadres supérieurs; leur alimentation est plus grasse et moins riche en fruits et produits frais; ils pratiquent moins souvent de sport; ils se soignent à un stade plus avancé de leur maladie. Mais ces pratiques culturelles, liées, pour la plupart, aux niveaux de revenus, n'expliquent pas tout. La position sociale a aussi des implications en matière de santé au travail: les accidents entraînant au moins une journée d'arrêt, souligne Didier Fassin, sont non seulement dix fois plus fréquents chez les ouvriers que chez les cadres, mais ils augmentent en fonction de la pénibilité, du bruit, des efforts physiques, des contraintes de rythme, de la pression des collègues et de l'absence de soutien des supérieurs.

* La réduction des inégalités sociales de santé «n'est pas un objectif prioritaire»

Les travaux de chercheurs ont fait apparaître d'autres facteurs, moins évidents, mais tout aussi influents sur la mortalité. Les réseaux sociaux, qui mesurent en creux le degré d'isolement, jouent un rôle décisif: les personnes ayant moins de contacts avec les autres ont une mortalité, à un âge donné, jusqu'à trois fois plus élevée. Les indicateurs mesurant le niveau de confiance dans la société et l'investissement dans des activités collectives donnent des résultats du même ordre. Quant aux écarts observés au travail en fonction de la place occupée dans la hiérarchie, ils s'expliqueraient moins par des différences de revenus que par les «disparités dans le contrôle exercé sur le travail et dans les gratifications obtenues en fonction des résultats».

Malgré ces constats, la réduction des inégalités sociales de santé «n'est pas un objectif prioritaire en France», regrette Didier Fassin, qui remarque que la loi de santé publique de 2004 n'a mentionné cet item que dans un seul de ses cent objectifs. La loi Bachelot sur l'hôpital, les patients, la santé et les territoires (HPST) de juillet 2009 a été tout aussi lacunaire. «Un paradoxe bien identifié, note le chercheur, est que les actions d'information et d'éducation pour la santé accentuent d'autant plus les inégalités qu'elles sont plus efficaces : dans le cas des campagnes contre le tabagisme, par exemple, les résultats ont été bien plus marqués dans les catégories aisées que dans les milieux populaires.» «Ce problème, ajoute-t-il, ne doit certes pas conduire à renoncer à ces actions, mais plutôt à les penser le plus possible du point de vue des disparités sociales et donc le mieux possible en lien avec les conditions et les modes de vie des populations.»

L'accès aux soins est aussi rendu plus compliqué, ces dernières années, pour les personnes les plus fragiles, par diverses pratiques comme les dépassements d'honoraires, le passage de secteur conventionné en honoraires libres ou encore le refus de certains médecins de prendre en charge les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME) ou de la couverture maladie universelle (CMU). Le gouvernement contribue à cet éloignement, par exemple, lorsque dans le projet de loi de finances pour 2011, il exige des étrangers en situation irrégulière les plus pauvres qu'ils contribuent à hauteur de 30 euros par an.





Recrutement : les hôpitaux ont misé sur le Salon Infirmier

Delphine Bauer
6 novembre 2010

Si les professionnels de santé se sont rendus en masse au Salon Infirmier 2010, beaucoup d’entre eux y venaient pour la première fois en tant que représentants d’établissements hospitaliers.


Ateliers sur le stand des infirmières de bloc opératoire
à l'occasion du Salon Infirmier 2010


Des dizaines d’hôpitaux se sont en effet donné rendez-vous porte de Versailles, certains à grand renfort d’affichage et de panneaux plastifiés afin de bien faire passer le message : recruter à tout prix.

C’était le cas de Mireille Alajouanine, directrice des soins de l’hôpital de Juvisy sur Orge, en Essonne. « Mon objectif est de prendre des contacts avec des professionnels déjà en poste et prêts à une mutation ou avec de jeunes diplômés. D’autant que nous sommes en pleine restructuration, à cause de la fermeture de l’unité de la maternité et de la chirurgie en 2009, et que l’unité de soins de suite et réadaptation, forte de 11 lits, projette d’en compter 90 dès 2013."

Dans notre unité soins de palliatifs, on compte beaucoup d’intérimaires, et si le coût est plus important, c’est surtout pour des questions de sécurité que nous souhaiterions recruter », explique-t-elle, avant de détailler : « Quand il y a une continuité dans l’équipe, les membres connaissent les procédures, le protocole, le travail de fond. Si on a un arrêt de travail, on peut s’organiser. Or avec l’intérim, on se retrouve, par exemple en période scolaire, en manque de personnel. Ce n’est positif ni pour la dynamique de l’équipe, ni pour le patient. »

De son côté, Sylvie Ouazan, directrice des soins du centre hospitalier de Bayonne, souhaitait « communiquer, échanger avec les collègues, se tenir informée sur l’actualité professionnelle, mais aussi recruter, en anticipant les nombreux départs en retraite » prévus dans son établissement, surtout en gériatrie et en psychiatrie, secteurs « souvent en manque d’effectifs », évoquant les « 30 infirmières sur les 700 de l’hôpital qui vont bientôt partir».

Pour Stéphanie, cadre de santé, et Estelle, infirmière, toutes deux travaillant au centre hospitalier de Montpon-Ménestérol en Dordogne, « la décision de la direction de financer un stand semble porter ses fruits à chaud, même si nous verrons bien les retombées sur six mois », ont-elle expliqué, après avoir parlé des nombreux départs à la retraite à prendre en compte dans les mois à venir. « Nous recherchons donc des infirmiers sur tout le panel de la psychiatrie », ont-elles poursuivi. Des personnels qui seraient prêts à une mutation en zone rurale, puisque le centre hospitalier est situé dans une petite agglomération, même « si des projets pour ramener la psychiatrie dans les zones urbaines sont en cours », avancent-elle.

Pour les établissements présents, une même constatation : des CV en nombre déposés et des candidats sérieux, « même s’il n’y a pas de garantie de conclure le contrat car on sait que les infirmiers vont voir différents stands », analysait, lucide, Mireille Alajouanine. Le Salon Infirmier a donc joué un rôle de plate-forme interactive efficace. Idéal, surtout quand les besoins des établissements en personnel sont urgents.




Le droit à l'avortement est-il en danger en France ?

Plus de 70 associations de défense de l'avortement appellent à manifester le 6 novembre pour protester notamment contre la diminution du nombre de centres IVG. Comment se porte le droit à l'avortement en France 35 ans après la loi Veil ?




Selon la Dress, le nombre d'IVG effectuées en France en 2007 est estimé à 213 380 en métropole.

L'ANCIC (Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception), la CADAC (Coordination des Associations pour le Droit à la Contraception et à l’Avortement) et Le Planning Familial (MFPF), soutenus par une cinquantaine d'autres d'organisations, appellent à manifester samedi 6 novembre* sous les bannières "Droit à l'avortement !" et "Non au démantèlement de l'hôpital public".  Dans leur ligne de mire, la question de l'IVG aujourd'hui en France et la loi "Hôpital, patients, santé et territoire" (HPST), dite loi Bachelot.

En effet, si le tabou de l'existence de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) s'est quelque peu fendu avec la publication il y a près de 40 ans dans le Nouvel Observateur du "Manifeste des 343". Si depuis la loi Veil en 1975, l'avortement est légal en France et même remboursé depuis 1982, selon ces associations, les difficultés que les femmes rencontrent pour pratiquer une IVG, persistent. 

La loi de 2001 pas appliquée

En 2001, le vote de la loi Aubry allongeant le délai de 10 à 12 semaines, permettant aux femmes de choisir la technique d'avortement (par aspiration ou médicamenteuse), supprimant l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures ainsi que l'entretien préalable obligatoire, a laissé penser que "le droit à l'avortement était enfin acquis", expliquent les associations. Mais selon elles, il n'en est rien.

"La loi de 2001 a été pas ou mal appliquée. De nombreux médecins ont refusé et refusent toujours d'effectuer des IVG à 12 semaines", explique Maya Surduts, présidente de la CADAC. "Il faut obliger des établissements publics à les faire, précise Danielle Gaudry (gynécologue obstétricienne, membre de la commission avortement du Mouvement français pour le planning familial), on est dans une phase de totale régression de la loi 2001!". Un constat partagé en partie par l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) dans son étude intitulée "Evaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesses suite à la loi du 4 juillet 2001", bien que l'institution affirme que "la prise en charge de l’IVG a marqué des progrès réels, mais qui demeurent fragiles".

Selon l'IGAS, la modification introduite par la loi de 2001 qui permet une dérogation à l’autorisation parentale pour les mineures en demande d’IVG a "apporté une réponse à des situations qui avaient été vécues comme très difficiles." Pourtant, "des difficultés persistent néanmoins pour la mise en œuvre opérationnelle de cette disposition, notamment pour assurer la confidentialité, l’anonymat, et la gratuité prévue dans ce cas par la loi".

Le rapport de l'IGAS note également, comme les associations, que concernant l'allongement du délai de 10 à 12 semaines : "tous les établissements ne prennent pas en charge les IVG 'tardives'" et "certains refusent de pratiquer la technique instrumentale pour ces interventions".

De son côté, le docteur André Deseur, président de la section "Exercice professionnel" au Conseil national de l'Ordre des médecins, assure que pour nombre de ses collègues concernés, "il s'agit d'une question de sur-risque technique".

Le ministère de la Santé admet des lacunes sur ce point et affirme que des mesures ont été prises. Elles porteraient notamment sur une circulaire transmise aux ARS (agences régionales de santé) en octobre, afin "qu’elles intègrent la prise en charge des grossesses non désirées dans leur schéma régional d’organisation des soins". Le ministère affirme qu'à cette occasion, il est notamment demandé aux ARS de maintenir systématiquement la prise en charge des IVG dans l’offre de soins de gynécologique-obstétrique et/ou de chirurgie notamment dans le cadre des restructurations; organiser l’offre de soins de manière à permettre la pratique des IVG concernant des grossesses dont le terme se situe entre 12 et 14 semaines, au niveau des territoires de santé.

Le nombre de centres IVG diminue

Mais la non-application ou la mauvaise-application de la loi Aubry depuis neuf ans n'est pas seule responsable des difficultés actuelles. Les associations estiment que l'accessibilité à l'IVG est de plus en plus compliquée avec la fermeture de nombreux centres depuis 10 ans. Selon la Dress (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), la France comptait en 2000, 729 centres IVG contre 624 en 2007 (derniers chiffres disponibles). Pourtant, "le nombre d'IVG en France reste relativement stable depuis le début des années 2000", selon la Dress qui estime le nombre d'IVG à 213 380 en métropole en 2007, 227 050 sur la France entière.

Alors la situation a t-elle empiré depuis le vote de la loi Bachelot ? Oui, selon les associations. "Le nombre de centres d'IVG ne cesse de diminuer", explique Jean-Claude Magnier, co-président de l'ANCIC". Pas du tout, selon le ministère de la Santé.

Interrogé sur la question par Nouvelobs.com, le cabinet de Roselyne Bachelot ne nie pas que le nombre d’établissements, qui pratiquent des IVG, diminue. Mais selon le cabinet de la ministre de la Santé "ce sont les petits établissements, qu’ils soient publics ou privés, qui ont cessé ou réduit cette activité au fil des ans, alors que le nombre des gros établissements (essentiellement des établissements publics) est resté stable".

Polémique

Mais les avis divergent sur le pourquoi et les conséquences de ces diminutions.

Selon le ministère de la Santé, les regroupements de centres, notamment en Rhône-Alpes et Ile-de-France, qui ont été effectués visent à "une meilleure prise en charge des patientes par des équipes plus étoffées et plus habituées à effectuer ce type d'acte".

Jean-Claude Magnier de l'ANCIC évoque lui "les politiques de diminution des coûts et le manque de personnel médical".  "On regroupe les centre mais avec moins de moyens et donc des pertes d'accès des femmes à l'IVG. Plusieurs centres ont fermés depuis 2007 (une vingtaine selon le MFPF) tel que Tenon en 2009. Celui de Saint-Vincent-de-Paul et de Bicêtre sont également menacés", explique-t-il. Des problèmes particulièrement importants pour les petites villes ou à la campagne selon les associations. "De plus en plus de femmes se trouvent à plus d'une heure d'un centre d'IVG", précise le co-président de l'ANCIC.

Le ministère de la Santé estime lui que les centres sont bien répartis sur tout le territoire.

La position d'André Deseur de l'Ordre des médecins est proche de celle des associations. "Cette problématique [du manque de centres et de médecins pratiquant des IVG,ndlr], elle existe et il est de la responsabilité de l'Etat de créer des postes suffisants en fonction des besoins et de la demande. Mais on n'est là en plus dans une problématique plus large de l'accès aux soins pour des raisons démographiques et cela vient du nombre insuffisant de médecins formés depuis 25 ou 30 ans. Elle a été formée sur l'idée fausse qu'en réduisant l'offre, on réduirait la demande". Selon lui, la solution ne réside pas dans la multiplication de petits centres, mais dans le développement de la permanence des soins et l'organisation du transport des personnes.

Le forfait IVG et la formation du personnel

Si l'avortement est désormais remboursé en France par la Sécurité sociale. L'aspect financier ne peut-être négligés.  L'acte est payé au forfait au médecin et aux hôpitaux qui le pratiquent. Cependant, le montant de ce forfait est insuffisant, de l'avis même de la ministre de la Santé qui a promis le 8 mars 2010 après la sortie du rapport de l'IGAS, une augmentation du forfait de 50%.

Ce rapport estime que l’écart serait de l’ordre de 50% pour l’IVG chirurgicale par comparaison avec une activité médicale de technicité comparable comme la prise en charge des fausses couches spontanées.


"L'IVG est payé deux fois moins que cela ne coûte aux hôpitaux et c'est aussi pour cela que de plus en plus de centres publics et privés n'en réalisent plus", affirme Jean-Claude Magnierl et "cela n'a fait qu'augmenté avec la logique de rentabilité instaurée à l'hôpital public par la loi Bachelot".

La promesse de Roselyne Bachelot devait rentrer en vigueur dès juillet 2010. "Ce n'est toujours pas le cas", explique l'ANCIC.

A ce sujet, le cabinet de la ministre de la Santé a affirmé à Nouvelobs.com : "la promesse faite par la ministre sur la hausse des 50% sera tenue d'ici fin 2010."

Mais selon l'ANCIC, cette mesure demeure de toute façon insuffisante. "Pour que le forfait IVG soit ramené à son coût réel, il faudrait l'augmenter non pas de 50% mais de 100%", explique Jean-Claude Magnier.

Selon le Dr André Deseur de l'Ordre des médecins, "des contrats sont passés entre gynécologues ou médecins en ville pour faciliter les IVG médicamenteuses. Ce sont des structures qui n'ont pas problèmes de rentabilité, pas de coût de structures. C'est un moyen de répondre au manque de centre. Notre société n'est pas à même d'assurer ce type de répondre dans la situation socio-économique actuelle. Le coût médicamenteux inférieur à une IVG par aspiration. " Ce serait mieux d'avoir le choix", reconnaît André Deseur.

Selon le ministère de la Santé, le montant des dépenses d’assurance maladie au titre de la prise en charge des IVG en 2009 était d’environ 51 millions d'euros.

L'association "Paris 20e" assure elle qu'il s'agit là d'une remise en cause des droits des femmes à choisir la méthode abortive utilisée. "Que les femmes est le choix, c'est leur droit", insiste une membre de l'association.

Le coût d'un IVG

Pour la patiente, l'acte est entièrement gratuit si celle-ci bénéficie d'une mutuelle. Selon la méthode choisie, le coût d'un avortement varie entre 190 euros et 275 euros.  La sécurité sociale prend en charge 80% des frais de l'intervention. Il est également possible de demander l'aide médicale gratuite et les mineures peuvent bénéficier d'une prise en charge financière totale par l'Etat.

Mais, pour les femmes qui n'ont pu trouver un médecin ou un hôpital acceptant de la prendre en charge à 12 semaines de grossesse, délai pourtant légal, celles qui le peuvent doivent partir dans d'autres pays européens où le délai est plus long comme en Angleterre [un nombre estimé à 5000 avant la loi de 2001, ndlr.]. Cette solution coûte chère et toutes les femmes ne peuvent se le permettre. Elles se trouvent alors dans une grande situation de détresse. "Il faut refuser les inégalités croissantes", accuse Maya Surduts de la CADAC.

Les non-assurées sociales peuvent également bénéficier de cette prise en charge.  Cependant, ceci est en train de changer notamment pour les femmes étrangères sans couvertures sociales. Danièle Gaudry de la (MFPF) affirme, qu'il a été demandé à des femmes sans-papiers, des chèques de caution pour avoir un rendez-vous, alors qu'elles n'ont évidemment pas de chéquiers.

Les nouvelles lois européennes

Mais les associations de défense du droit à l'avortement, les lois françaises ou leur application ne sont pas les seuls fautives. Selon Danièle Gaudry, la menace qui pèse sur le droit à l'avortement en France est triple et l'une d'elle vient de l'Europe.

Le 7 octobre 2010, le Conseil de l'Europe a rejeté un projet de résolution visant à limiter le droit à l'objection de conscience notamment dans les hôpitaux (concernant essentiellement l'avortement et l'euthanasie). C'est la résolution 1763 qui a finalement été adoptée portant sur "Le Droit à l'objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux". Celle-ci protège et réaffirme le droit à l'objection de conscience, et interdit toute pression ou discrimination à l'égard du personnel médical qui pour des raisons de conscience choisirait de ne pas pratiquer un avortement ou une euthanasie.

Mais celle-ci permet aussi à des établissements d'invoquer l'objection de croissance pour ne pratiquer d'avortement par exemple, réduisant ainsi encore le nombre de centre IVG.

"Ce vote a été souligné par un communiqué de l'ordre des médecins approuvant ce vote", s'inquiète Danièle Gaudry du MFPF. "Cela ne fait qu'augurer de nouvelles difficultés", ajoute-t-elle.

De son côté, le Dr André Deseur de l'Ordre des médecins, assure que "cette position ordinale n'est absolument pas une position d'opposition à l'IVG.  Il s'agit en fait du respect d'une situation antérieure qui allait être battue en brèche".

"Le professionnel de santé doit pouvoir ne pas effectuer un certain nombre d'actes qui n'est pas en accord avec sa conscience et ne pas avoir à se justifier", déclare-t-il.

"L'objection de conscience est un acte individuel. Mais il relève de la responsabilité de l'Etat d'organiser la possibilité que ces actes puissent être effectués par un autre praticien", explique-t-il. L'Etat doit permettre l'accès aux soins et mais il est de la responsabilité du médecin d'orienté le patient comme il se doit si celui-ci ne veut pas réaliser un acte et lui en faciliter l'accès", ajoute André Deseur.

Concernant, l'objection de conscience applicable à tout un établissement, André Deseur explique : "Il est parfaitement concevable que cela puise s'appliquer à tous les médecins d'un établissement."

Mais dans tous les cas, les associations de défense du droit à l'avortement restent mobiliser. "On n'est pas optimiste mais on est déterminé", conclut José de l'association 20e.

* La manifestation pour le droit à l'avortement doit rejoindre le cortège contre la réforme des retraites au niveau de la place de la Bastille à Paris.
(Anne Collin – Nouvelobs.com)







L'INTERDICTION DE L'OBSTINATION DÉRAISONNABLE


« L'acharnement thérapeutique » appelé aujourd'hui « obstination déraisonnable » est une réalité souvent complexe et singulière. Le code de déontologie médical précise ainsi :

« En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. »

« Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. »

Ainsi la difficulté de toute décision médicale porte-t-elle sur le caractère raisonnable ou déraisonnable de l'acte envisagé : des obstinations raisonnables permettent souvent de passer un cap grave de la maladie chez un patient, tandis qu'une obstination déraisonnable est une atteinte aux droits fondamentaux de la personne vulnérable.

Pour les professionnels de santé: la loi incite à élaborer de façon collégiale un projet thérapeutique.


Elle donne :

• le droit d'interrompre ou de ne pas entreprendre des traitements jugés « inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le maintien artificiel de la vie » (art. 1 et 9) ;
• le devoir de rechercher et de prendre en compte la volonté de la personne de refuser un traitement (art. 3, 6, et 7) ;
• le devoir d'assurer dans tous les cas la continuité des soins et l'accompagnement de la personne (art. 1, 4, 6 et 9) ;
• la possibilité d'utiliser des traitements dans l'intention de soulager la souffrance, même s'ils risquent d'abréger la vie (art. 2).

Dans tous ces cas :

• le patient ou ses représentants seront informés ;
• les décisions seront clairement inscrites dans le dossier médical.

La loi fixe les conditions de décision de limitation ou d'arrêt de traitement

• La loi insiste sur l'importance de la volonté du patient ;
• L'appréciation de la pertinence du projet thérapeutique et l'analyse du rapport bénéfice/risque relèvent de la responsabilité médicale ;
• La loi distingue deux situations : celle où le malade est capable d'exprimer sa volonté et celle où il n'en est pas capable (art. 5) ;
• La capacité du patient à « être autonome » ou à « s'autodéterminer» doit être appréciée de manière adaptée. Le médecin donne l'information, il vérifie que le patient soit capable d'écouter, de comprendre puis de s'autodéterminer ;
• Si le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la loi introduit l'obligation d'une procédure collégiale. (art. 9 ; décret d'application du 6 février 2006)
Mais cette procédure ne dispense pas de rechercher la volonté du patient (directives anticipées, avis de la personne de confiance, avis des proches).



À la rencontre des malades livrés à la rue

Par Marc Mennessier
02/11/2010

Entre 30 et 40% des sans-abri souffrent de schizophrénie ou de graves troubles psychiques. À Marseille, une équipe de santé mentale leur propose d'abord un «chez-soi».

Malgré la pénombre, on distingue une petite table en bois blanc, des chaises métalliques, un peu de vaisselle, quelques plastiques éparpillés à même le sol: les vestiges de la misère. Celle de Manuel S., 70 ans, atteint d'un Parkinson et… d'une schizophrénie. Pendant des années, cet ancien maçon d'origine portugaise a trouvé refuge dans ce local commercial désaffecté du I er arrondissement de Marseille. Seul. Livré à la jungle de la rue dont il se protégeait en fermant le store métallique avec un solide cadenas dont il a d'ailleurs gardé la clef. Car, aujourd'hui, Monsieur S. n'habite plus là. Moyennant un loyer (très) modéré, il occupe un petit studio au Marabout, un immeuble thérapeutique ouvert en février 2007, sous l'impulsion de l'équipe mobile psychiatrie-précarité (EMPP) coordonnée par le Dr Vincent Girard. Pour permettre aux personnes malades en grande précarité, comme Manuel S., d'avoir leur «chez-soi» et d'être soignées.

«Sur les 5.000 à 10.000 personnes sans abri recensées à Marseille, 30 à 40% souffrent de troubles psychiatriques sévères. Un pourcentage que l'on retrouve dans la plupart des autres grandes villes des pays riches», révèle ce jeune psychiatre qui a fait de la rue son cabinet de consultation, en se dirigeant d'un pas rapide vers l'entrée d'un parking souterrain, où l'un de ses patients a, si l'on peut dire, élu domicile. Personne. «Je repasserai demain.» À deux pas de là, au milieu de ses sacs, François N. est occupé à ranger avec un soin méticuleux les cartons sur lesquels il vient de passer la nuit. Ce Français d'origine ivoirienne, qui s'exprime d'une voix à peine audible, est à la rue depuis des années. Bien que son apparence n'en laisse rien présager, «Monsieur N. a une schizophrénie, confie le Dr Girard. En ce moment, il est en proie à des délires mais il refuse de se faire soigner. S'il persiste, nous pourrions être amenés à effectuer une hospitalisation sans son consentement.» L'an dernier, l'EMPP a dû procéder à 29 hospitalisations sous contrainte. Vincent Girard assume: «Certains nous reprochent de faire du contrôle social, mais c'est nécessaire! Les gens crèvent d'en manquer.»

Environ 60% des 130 malades «sans chez-soi» qu'il suit régulièrement souffrent de schizophrénie. Les autres sont atteints de troubles bipolaires (maniaco-dépression) ou de dépression sévère. La plupart consomment de l'alcool et d'autres drogues. Et comme si cela ne suffisait pas, «tous, ou presque, souffrent de pathologies somatiques très lourdes», souligne le Dr David Escojido, généraliste, chargé, au sein de l'EMPP de soigner les corps -souvent en piteux état- de ces survivants de la rue.

Depuis cinq ans qu'il sillonne quotidiennement les quartiers pauvres du centre de Marseille, le Dr Girard a acquis une conviction. «Ces malades difficiles à atteindre, les “hard to reach” comme les appellent les Anglo-saxons, ont d'abord besoin d'accéder à un logement pérenne. La politique de santé suivie jusqu'ici en France, qui consiste à les hospitaliser systématiquement en psychiatrie à 600 euros par jour, ou en réanimation, quand leur état physique est désespéré, est le symptôme d'un triple échec médical, social et économique. Car ces personnes sont capables, malgré leurs maladies sévères, de se rétablir, d'accéder à une autonomie et à une citoyenneté pleine et entière sous réserve qu'elles trouvent non pas un abri temporaire mais un “chez-soi” intégré dans la cité.»

D'autant qu'être malade et à la rue ne signifie pas forcément qu'on est sans le sou. «Tous ont droit à l'allocation adulte handicapé ou au RSA et à une couverture médicale, certains ont même une retraite mais la plupart du temps, ils l'ignorent», explique Vanessa Vialars, infirmière au sein de l'équipe. D'où l'idée de créer début 2007, avec le soutien de Médecins du monde et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, un habitat alternatif à l'hospitalisation, au 46 de la rue Curiol, dans le Ier arrondissement, destiné à offrir, dans une logique de réduction des risques et des dommages, un chez-soi communautaire. L'an passé, 33 personnes ont été reçues au Marabout. À six mois, 70% étaient sorties de la rue: la moitié avait rejoint un logement personnel, 40% habitaient au Marabout et 10% dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Preuve que tous les sans-abri ne retournent pas fatalement dans la rue, comme le veut un préjugé tenace. «En plus, on n'est pas cher!» lance le Dr Girard.

Le Housing First a fait ses preuves aux États-Unis Fin 2008, après le drame de Grenoble, lorsqu'un étudiant avait été poignardé en pleine rue par un schizophrène, Roselyne Bachelot s'était rendue dans la capitale phocéenne. Séduite par le projet, la ministre de la Santé a accordé à l'EMPP un financement annuel de 650.000 euros pour lui permettre de s'étoffer (l'effectif est passé depuis de 4,5 à 14 équivalent-temps plein) et commandé au Dr Girard un rapport, remis en janvier 2010, sur la santé des personnes sans chez soi. Mme  Bachelot, suivant une recommandation forte du rapport, a décidé de lancer une expérimentation nationale «Chez soi d'abord», qui va débuter en 2011 à Lille, Marseille et Toulouse et, en 2012, à Paris. À terme, chaque ville sera dotée de 100 logements intégrés dans le tissu urbain avec un suivi médico-social. «Un projet de recherche conséquent devrait permettre d'évaluer non seulement le rapport coût/efficacité, mais également le possible essaimage de ces expériences» , explique le Dr Girard. Une chose est sûre: ce modèle ( Housing First ) a déjà fait ses preuves aux États-Unis où il est développé dans 200 villes. L'hospitalisation mais aussi l'incarcération des sans-abri y sont en forte baisse. Et, selon des chiffres officiels, le nombre des personnes sans-abri chroniques a chuté de 30% entre 2005 et 2007.




L’accès aux soins minuté

22 députés UMP enclenchent le chronomètre

Le généraliste et la maternité à 30 minutes, les urgences à 20 minutes : c’est ce que demandent pour chaque citoyen 22 députés UMP dans une proposition de loi fraîchement enregistrée à l’Assemblée nationale. Le texte, sans le dire, remet en cause la liberté d’installation des médecins libéraux.


ELLE S’EN VA et elle revient, l’idée de fixer en minutes des délais-seuils d’accès aux soins. Il y a deux ans tout ronds, la mission parlementaire Bernier-Paul (le premier est député UMP de la Mayenne, le second élu socialiste de la Nièvre) consacrée à l’« Offre de soins sur l’ensemble du territoire » avait préconisé la détermination de « normes quantifiées », suggérant, entre autres, d’arrêter un temps d’accès maximal à un généraliste (entre 30 minutes et 1 heure, disait alors la mission). Quelques mois plus tard, le concept avait de nouveau surgi lors de l’examen de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Sans suite.

Mais le revoici qui pointe son nez. À un moment pour le moins curieux. Pendant que le législateur prend acte des trous de la démographie médicale et s’emploie via la télémédecine à trouver des solutions pour soigner les Français à distance, à un moment où il paraît clair que la majorité gouvernementale n’entend pas irriter les médecins libéraux (en particulier en touchant à la liberté d’installation), 22 députés UMP emmenés par Pierre Morel-A-l’Huissier (Lozère) viennent de faire enregistrer à l’Assemblée nationale une proposition de loi « visant à normaliser les schémas régionaux d’organisation des soins ».

Le texte tient en quelques lignes qui précisent que les futurs SROS devront viser « à ce que la durée d’accès » à un médecin généraliste « n’excède pas trente minutes de trajet automobile dans les conditions normales de circulation du territoire concerné ». Même exigence de la demi-heure pour l’accès à une maternité. Les services d’urgence ou les structures mobiles d’urgence devront, eux, être accessible en « vingt minutes » de route.

Cercles concentriques.

L’exposé des motifs de la proposition de loi est limpide. La loi HPST « s’est montrée timide sur le problème que connaissent nos territoires, les déserts médicaux et la répartition spatiale des médecins », y lit-on. Pour
« attirer les médecins dans les zones sous-médicalisées », les « mesures incitatives » n’ont pas fait la preuve de leur efficacité : « Les médecins continuent à s’installer dans trois principales régions, la région parisienne, le Languedoc-Roussillon et la Provence-Alpes-Côte d’Azur, trois régions surmédicalisées. » Or à l’autre extrémité du spectre, « la sous-médicalisation de certaines zones a des conséquences terribles pour la population qui y vit ». CQFD. Aux agences régionales de santé (ARS) de régler la question dans le cadre des SROS en traçant des cercles concentriques autour de chaque citoyen.

Si, pour l’hôpital, l’opération n’est pas révolutionnaire – en témoigne la carte (voir ci-contre) récemment élaborée par la Fédération hospitalière de France (FHF) pour délimiter les établissements « isolés » – elle passe beaucoup moins bien du côté de la médecine libérale. Comment garantir à chaque Français qu’il trouvera un généraliste à 30 minutes de chez lui sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation ? L’Union nationale des omnipraticiens de France (UNOF-CSMF) ne voit pas vraiment et s’insurge dans un communiqué : « Les députés UMP veulent faire de l’exercice de la médecine générale un exercice administré sous tutelle visant l’exploitation 24 heures sur 24 des médecins, sans naturellement investir le moindre euro. Ceci n’est évidemment pas acceptable. »

› KARINE PIGANEAU

Le Quotidien du Médecin du : 03/11/2010




Franchise : un dispositif peu efficace qui pénalise les plus fragiles, selon l’IRDES

Le dispositif de franchise médicale introduit en 2008 – et dont Nicolas Sarkozy avait annoncé la création lors de la campagne présidentielle de 2007 – pour inciter les patients à modérer leur consommation de médicaments n’a eu que peu d’effets : seuls 12 % d’entre eux disent avoir modifié leur comportement, surtout parmi les plus modestes, selon un document publié par l’Institut de recherche et documentation en santé (IRDES).

Cette étude, réalisée auprès de 5 000 personnes, met en avant le fait que ce système est d’abord pénalisant pour les patients à faibles revenus. En effet, expliquent les auteurs, comme « la somme prélevée par boîte (est) la même quels que soient la nature du médicament, le niveau de ressources et l’état de santé des individus, cette charge financière pèse plus fortement sur les individus malades ou à faibles revenus ».

Et de fait, observe l’IRDES, « la probabilité de déclarer avoir modifié ses achats est de sept points plus élevée chez les individus gagnant moins de 870 euros par mois, comparés à ceux gagnant plus de 1 167 euros ».

Ce sont aussi les plus malades qui ont le plus souvent modifié leur comportement, note l’étude, qui en déduit « une perte d’accès aux médicaments » pour les plus fragiles.
Pour les auteurs, en tout état de cause, « l’efficacité du dispositif pose question ».

› J. D.

Quotimed.com, le 02/11/2010