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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 13 mars 2010




Article paru
le 9 mars 2010


SOCIÉTÉ

La prison entre à l’hôpital

Lyon accueille la première « unité d’hospitalisation spécialement aménagée ». Une prison dans un hôpital, dénonce la CGT.


L’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, ouvre la première « unité d’hospitalisation spécialement aménagée », dans le parc de l’hôpital, dans un bâtiment de 380 mètres, derrière un mur de six mètres, bardé de caméras, avec accès direct au périphérique. Il s’agit d’accueillir, dans un lieu spécifique où cohabiteront personnels pénitentiaire et médical, des prisonniers souffrant de maladie mentale. Le projet initial prévoyait vingt-deux unités totalisant 748 lits. Seulement celui de Lyon ouvre pour l’instant, avec un an de retard. Vingt lits seront disponibles ce printemps, vingt autres cet été et les vingt derniers à l’automne, pour les détenus de Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne. Un peu juste pour une population carcérale qui avoisine les 9 000 détenus, dont 30 % de malades mentaux. L’inauguration, prévue ce mercredi en présence du chef de l’État et des ministres de l’Intérieur et de la Santé, a été reportée.

Les syndicalistes CGT de l’hôpital, qui ont été les seuls, en conseil d’administration, à s’opposer au projet, avaient pris l’initiative d’une « nuit blanche de résistance », organisée ce soir. Celle-ci est maintenue. Plus d’une vingtaine d’organisations, syndicats ou collectifs (CGT santé, FSU, Syndicat de la magistrature, SUD santé, PCF, Parti de gauche, Gauche unitaire, NPA, Appel des appels…) appellent donc à débattre du rôle de la psychiatrie et de la réponse sécuritaire aux dysfonctionnements de la société. C’est à partir de 19 heures, au Vinatier, salle des organisations, près de la chapelle.

Emilie Rive


UN MONDE SANS FOUS ?
un livre et un film
de Philippe BORREL










Un monde sans fous ? par BORREL Philippe
Collection : Questions actuelles
dirigée par Yannick Breton
Nombre de pages : 176
Version imprimée (Livre)
18.00 € Nouveauté
Éditeur : Champ Social Editions
ISBN : 9782353710805
Année d'édition : 2010


Réservez cette date :

Mercredi 31 mars à 20h00
Projection en avant première du film
Un monde sans fous ? de Philippe Borrel - 66 mn
Une coproduction CINETEVE - Forum des images
au grand auditorium du Forum des images - 2 rue du Cinéma - 75001 Paris

La folie déborde dans les rues et en prison. En 30 ans, plus de 40 000 lits d'hospitalisation ont été fermés sans que suffisamment de structures alternatives de prise en charge aient vu le jour, et nous assistons depuis quelques années au retour des chambres d’isolement, des camisoles et des médicaments administrés sous contrainte.

Faute d’avoir trouvé une prise en charge adéquate dans les services d’une psychiatrie publique en crise profonde, les malades psychotiques chroniques se retrouvent de plus en plus exclus de notre société. Et au même moment nous assistons au retour des chambres d’isolement, des camisoles et des médicaments administrés sous contrainte.

Pourtant des voix s'élèvent pour dénoncer ce climat de violence et d’abandon que l’on pensait aboli.

En 2010, le parlement Français doit voter une réforme de la psychiatrie et fixer les objectifs d'une nouvelle politique de santé mentale. On ne parle plus de folie mais de troubles cérébraux... plus de malaise dans la société mais de comportements à rééduquer...
En encourageant des programmes de détection et de prévention dans les écoles ou dans les entreprise, la santé mentale ne concernera pas les seuls malades psychiques, ou leurs familles, mais l'ensemble des Français.

Avec Roland Gori, Marie-Anne Montchamp, Hervé Bokobza, Yves Agid, Olivier Labouret, Marion Leboyer, Patrick Chemla, Christophe Dejours, Michaël Guyader, Franck Chaumon, Serge Portelli, Jean Oury, Emmanuelle Perreux, Pierre Suesser, Brigitte Font le Bret, Sylviane Giampino, Catherine Paulet, Mathieu Bellahsen, Catherine Herszberg et des soignants, et des patients.
Une coproduction CINETEVE - Forum des images avec la participation de France Télévision et de Planète version 52 mn le mardi 13 avril 2010 à 20h35 sur France 5 version 66 mn à partir du 20 avril 2010 sur http://www.mediapart.fr/




L' "A quand l'amour ?" de Jean Allouch
[mardi 09 mars 2010 - 12:00]

PSYCHANALYSE

Résumé : L'incontestable chef-d'œuvre d'un genre bien spécial, le "commentaire raisonné" de Lacan, servi par une liberté de ton, une passion pour la psychanalyse, et une érudition exemplaires.

Pierre-Henri CASTEL









L'AMOUR LACAN
Jean Allouch
Éditeur : EPEL
33,25 €


"L'un des plus curieux sillages de 1968 sera de susciter dans l'Université et ses alentours, jusque dans les endroits les plus inattendus, des séminaires de "lecture de Lacan" qui, pour le malheur de la littérature universelle, n'ont pas trouvé leur Flaubert" . Pour être cruel, ce mot de Marcel Gauchet n'en est pas moins juste. N'est-il pas politiquement et intellectuellement stupéfiant que, trente années après la mort de Lacan, dans un univers où la linguistique, la psychologie, les sciences humaines et sociales, les arts et la littérature (je ne parle même pas de la psychiatrie) se soucient de la psychanalyse comme d'une guigne, de nouvelles générations de jeunes gens remplissent encore les amphithéâtres pour recueillir de la bouche des élèves des élèves de Lacan une interprétation enfin éclairante de ses propos les plus obscurs ? Le plus sidérant en l'espèce, c'est qu'un travail qui fut en son temps aussi sensible aux avancées contemporaines, qui affûtait les oreilles des auditeurs en sorte de leur faire lire, bien avant leur vogue ultérieure, la linguistique structurale, la philosophie analytique, et mille autres choses recueillies à même le bouillonnement de l'époque, se soit pendant ces trente années transformé en un ensemble dogmatique aussi rigide, aussi imperméable à la vie réelle des sciences, et pas simplement de la médecine, pour ne rien dire de la vie sociale , n'accueillant pour finir, et encore, avec des pincettes, que la partie la moins menaçante de tout ce qui se passe et se dit autour de nous. D'où ce paradoxe que les mots-clés de la doctrine ne sont plus désormais intelligibles qu'en consultant des dictionnaires historiques ("signifiant", "structure", etc.), tandis que le gros des défenseurs explique sans rire aux nouveaux disciples médusés que c'est l'époque, notre bien triste époque, qui résiste, elle, à la vérité inaltérable du lacanisme.

Il est amer de constater combien les moins imitables des penseurs, ceux qui n'auront eu de cesse de s'étonner qu'on puisse même les suivre un tout petit peu dans des voies frayées pour résoudre leurs plus intimes difficultés (et je pense à Wittgenstein autant qu'à Lacan), auront suscité tant d'épigones, de commentateurs obséquieux et d'insupportables rabacheurs, ne retenant d'eux qu'une inexpugnable totalité d'énoncés finement agencés, moins l'essentiel : la voix solitaire de qui les prononçait sans se prendre, lui, pour leur auteur. C'est donc avec un mélange d'anxiété et de prévention soupçonneuse (que calme à peine le doux frisson de la main se tendant timidement vers un livre sur l'amour, un regard en coin vers les autres clients de la librairie, un ange muet sur la couverture pour unique complice), qu'on fera discrètement l'emplette du pavé de Jean Allouch.Car Allouch (et le petit groupe auquel il rend hommage à la dernière page de son livre) fait partie des très rares qui échapperont, peut-être, au Flaubert que leur promet Gauchet. Mais si c'est bien un jour le cas, se dit-on à la dernière page, encore sous le choc de l'émotion la plus vive qu'un simple amoureux de Lacan ait ressenti dans toute sa vie de lecteur, ç'aura été de haute lutte. Car le défi relevé dans L'amour Lacan ne peut apparaître, après coup, que plus énorme.

Disons donc tout d'abord que le livre d'Allouch s'appuie sur un relevé exhaustif, au sens de la philologie la plus rigoureuse, des références de Lacan à l'amour. C'est un labeur dont bien peu se soucient, hors des études anciennes, et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si David Halperin, le grand scholar américain, se trouve pour finir remercié. Comme je suis bien décidé à épouvanter le lecteur, ou à lui faire écarquiller les yeux d'incrédulité, j'ajouterai qu'Allouch n'a pas seulement relevé toutes les occurrences de l'amour chez Lacan. Il les a minutieusement contextualisées, et, comme il se doit quand on pratique comme il se doit l'histoire des sciences et des idées, il en a expliqué le sens et la portée dans les moments successifs de l'élaboration de Lacan, il en a défendu la pertinence contre des objections sérieuses, psychanalytiques mais aussi philosophiques, et il en a dissipé l'obscurité de façon convaincante, en les extrayant de la gangue oraculaire et mystificatrice où la négligence intéressée des commentateurs (qui veillent à ne pas gâcher aujourd'hui leur pain du lendemain) les avaient tout simplement abandonnées.
C'est ce dernier trait qui retiendra d'abord l'attention.
Car, avec Lacan, certains décoiffent. Allouch décape. Tout sort de ses mains patientes et précises plus brillant et plus tranchant. Et cependant, seconde surprise, l'éclat des grandes formules de Lacan sur l'amour s'avère, dans l'opération, ne jamais procéder exclusivement de lui. Foin du mythe du génie solitaire : mille sources poétiques, théologiques, d'innombrables tableaux (ce qui est une surprise : Lacan et la peinture. de l'amour !), des pièces de théâtre, d'autres textes souvent oubliés projettent sur ces propositions leurs lumières propres : c'est un peu des années 1950, puis des années 1960 et 1970 qui revivent alors, et qui nous restituent un Lacan bien attachant dans sa curiosité inaltérée pour tout ce qui l'entourait. En même temps, c'est sa vraie fragilité qui s'expose : ce dont il disposait, ce qu'il s'appropriait sans le dire, ce dont il dépendait et qui pouvait d'un moment à l'autre lui retirer son appui.
Bref, Allouch nous montre une continuelle expérience de la pensée qui n'a rigoureusement rien à voir avec un système en train de se former (sauf quand il est à la mode, et pratique pour recruter, d'en fabriquer un) - en somme, la vie quand on sait qu'on en a qu'une, et qu'on s'est bien pénétré de ce que son nom propre finira un jour par s'effacer sans retour. Ce Lacan rafraîchi, sinon décrassé, ce n'est plus un Lacan qui ne dit que ce qu'il aurait voulu dire. C'est un Lacan qui en dit à la fois bien plus et bien moins, un Lacan qui se trahit dans ses apories, un Lacan qui ne s'entend pas se dépasser lui-même en se heurtant aux multiples impossibilités contre lesquelles il se cogne. C'est un Lacan dont on peut enfin sourire quand il nous fait le coup du "retour à Freud". C'est un Lacan dont on découvre à quel point il aura recouru à la formule "Jamais, ô grand jamais je n'ai dit une chose pareille" pour se dégager en bouffonnant de positions défendues avec acharnement pendant des années - laissant ses auditeurs bien en peine d'en comprendre le pourquoi.

Titre du livre : L'amour Lacan Auteur : Jean Allouch Éditeur : Epel Collection : Monographie Date de publication : 27/10/09 N° ISBN : 2354270100





http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2010/02/23/canular/

Canular : Perec, reviens, ils sont devenus fous !









Il y avait déjà les écrivains Émile Ajar et Jean-Baptiste Botul, les artistes Nat Tate, Sacha Ackas, Art Keller et le collectionneur Paul Devautour, voici l’artiste brut Marco Decorpeliada. Son nom sonne déjà comme désincarné. Souffrant de graves problèmes psychiatriques, il entreprend d’établir une correspondance entre le catalogue des maladies mentales DSM IV et le catalogue des surgelés Picard. C’est ainsi qu’à 64.0 ‘Troubles de l’identité sexuelle adulte’ correspond 64.0 ‘Crêpes dentelle’, etc… ad nauseam.

Exposé dans les tréfonds de la Maison Rouge jusqu’au 16 mai, c’est en soi moyennement drôle et assez simpliste. Ça l’est moins (drôle) quand on découvre que les auteurs de ce canular artistique sont, à côté d’un OuLiPien de renom, des psychanalystes lacaniens regroupés dans l’OuPsyPo* (c’est à partir de leurs noms qu’a été forgé le nom De Cor Peli Ada) et qu’on devine derrière leurs propos une attaque contre la psychiatrie hospitalière et les thérapies comportementales. Pour peu qu’on se sente un peu concerné par ce sujet, on en sort assez furieux. Tout le monde n’est pas Georges Perec.

* au nom fluctuant : Ouvroir de Psychiatrie ou de Psychanalyse Potentielle ou Poentielle, selon les sources, voire même OUSPYPO en 4ème de couverture du ‘livre‘ de Decorpeliada. C’est sans doute voulu, je le crains…

L'interne et le labo

L'hiver du piano
Bla bla parfois musical, souvent photographique, médical, pianistique..

jeudi 4 mars 2010

Il y a quelques semaines, Madame "Zyprexa" ® m'aborde de bon matin dans le couloir; pour une fois, allez je vais rester plus de 3 secondes avec elle... Elle commence tout de suite à me demander si j'ai reçu l'invitation à la conférence prochaine organisée par son labo... je cherche en vain dans ma mémoire, je ne retrouve pas mais lui dis "je n'irais pas"; elle me regarde, très étonnée, en me disant "ah bon, mais pourtant c'est trèèèès important, c'est une formation (sic) pour la nouvelle forme retard du ZYPREXA ®".
Je lui souris et lui redis "oui mais je ne pourrai y aller". Elle répond de nouveau "ah mais vous savez, c'est une formation OBLIGATOIRE pour les internes comme vous". Là j'ai du hausser un sourcil. Elle insiste "vos collègues y vont vous savez". Je re-hausse un sourcil. Elle me dit alors "si vous ne pouvez vraiment pas venir à cette formation OBLIGATOIRE, alors il faudra qu'on prenne rendez-vous pour que vous puissiez vous former -mon cerveau rit- via internet et vidéo- conférence -hein mais qu'est ce qu'elle dit...-.
Elle garde son petit air mi-outré mi-culpabilisateur -comment! une interne en psychiatrie en pleine formation qui n'est pas attachée à sa formation !- et me dit que "c'est dommage tout de même". En passant je lui ai glissé tout de même mes humbles réflexions sur l'effet indésirable du mécanisme désinhibiteur du CYMBALTA ® (même labo que le ZYPREXA ®) en début de traitement et la survenue de TS dans les premières semaines de traitement (constation faite dans mon travail aux urgences; aussi constaté pour le SEROPLEX ®), encore une fois, petit air outré et réponse "ah oui, le SEROPLEX, OUI IL EST DESINHIBITEUR, mais alors NON, le CYMBALTA on ne connaît pas cet effet là...". -Parle à mon cul, ma tête est malade... -L
a prochaine fois, maximum 3 secondes, au bout de 20 je ne sais plus quel attitude adopter...









« Si tu me regardes, j’existe » ou la folie du vide au théâtre

Quatre jeunes comédiennes prennent des risques avec « Si tu me regardes, j’existe », une pièce au sujet fort : l’anorexie. Défi relevé avec brio. Nous les avons découvertes la saison dernière : elles reviennent "à la folie Théâtre" dès le 14 janvier. A ne pas rater.
L’esquisse…

Claire, toute de blanc vêtue dans un sombre univers, glisse dans le monde sans faire de bruit. Sans prendre de place. Pourtant, dans son esprit, c’est le chaos. L’anarchie des voix qui lui dictent la marche à suivre pour être la belle, saine et judicieuse femme qu’elle voudrait être. Ces voix lui ordonnent de s’effacer, l’agressent en permanence. Tout comme le font ces gens bruyants qui gravitent autour d’elle. Claire n’a pas de répit. Claire est anorexique. Elle ne veut plus grandir, craint les changements, refuse d’affronter la vie qui lui échappe et se cloître dans sa chambre.
Là, elle se focalise sur ses souvenirs d’enfance, ses angoisses alimentaires, ses devoirs d’éliminer, de se purifier, sur son poids, sur son corps qu’elle modèle jusqu’à la disparition … Elle se concentre sur le maîtrisable en somme.












La critique [réjouie] d’A-Laure B.

« Si tu me regardes j'existe » ne parle pas qu’aux anorexiques en quête d’échos à leurs maux ni seulement à leurs proches, qui chercheraient à les comprendre. « Si tu me regardes j'existe » parle de l’anorexie sans tomber dans les innombrables et stupides clichés qui lui collent habituellement aux os. Il est ici question de ce qui se trame dans l’esprit des malades, des non-dits qui défilent dans leurs regards. Des rites, des peurs irraisonnées, des sentiments d’agression engendrés par la nourriture, par les autres, du poids du corps sur l’image de soi, du regard des autres, de l’incompréhension de l’entourage, du besoin de contrôle, des obsessions de pureté … Toutes ces choses ficelées à cette pathologie, qui dépassent la malade elle-même.








La mise en scène vise le minimalisme pour retranscrire le quotidien et des êtres chers. Pas de décor, peu d’accessoires. Quelques effets de lumières, de sonorisation aussi. Cependant, ils restent secondaires. Car l’essentiel n’est pas là. Mais dans les incessants monologues parallèles, qui se répondent et se nient dans la même tirade. Les choix scéniques évoquent parfaitement les luttes internes des anorexiques, tiraillées entre deux mondes. D’un côté, le leur ; de l’autre, celui de la vie (représenté ici par les parents de Claire, sa famille, ses voisins, ses propres élans avortés).

Pour sa première création théâtrale entièrement écrite (en italien, puis traduite) et mise en scène par ses soins, la dramaturge, à qui le sujet de l’anorexie tenait à cœur, s’est entourée d’une jeune distribution. Les quatre comédiennes ont entre 19 et 26 ans, et côtoient la scène ou les plateaux de cinéma depuis une dizaine d’années pour les plus expérimentées. Elles ont su transmettre du souffle au poétique texte de Francesca Volchitza Cabrini. Marion Monier (qui incarne Claire) est surprenante. Sa capacité à moduler les expressions de son visage lorsque les voix lui assènent des coups est saisissante. Glaçante parfois. Vanessa Bile-Audouard, Charlotte Victoire Legrain, Giada Melley détonnent par leur aptitude à passer d’un personnage à un autre (et même à un personnage masculin). Elles ont su donner corps à leur voix. Et ce ne sont pas les petits couacs dans le texte au cours de cette deuxième représentation qui aurait gâché le plaisir du public.

Tension et vitalité se mêlent dans « Si tu me regardes j'existe ». La pièce emporte, ouvre une porte sur une maladie que l’on croit connaître, pousse à changer de point de vue. Des comédiennes efficaces et un texte ciselé pour une pièce nécessaire.

A la Folie Théâtre
6, rue de la Folie Méricourt 75011 Paris

Du 14 janvier au 14 mars 2010
Du Jeudi au Samedi à 22h
Le dimanche à 18h
Réservations : 01 43 55 14 80 / Fnac Spectacles











Lobbying : le canal hollywoodien











Le film Awake (« Conscient ») a remporté un certain succès aux États-Unis à sa sortie en 2007. Tourné à New York, c’est l’histoire terrifiante d’un éveil anesthésique – un patient, suprême cauchemar, revient à lui alors qu’il se trouve sur la table d’opération. Les Américains découvrent que la situation, même rarissime, peut se présenter. Ils apprennent, par la même occasion, qu’une nouvelle technique permet d’éviter un réveil prématuré grâce à un savant dosage de l’anesthésie. « Du jour au lendemain, on a vu des patients arriver et nous demander si on avait acheté l’équipement en question », relate un médecin new-yorkais. Pour qui l’anecdote illustre le pouvoir d’influence de l’industrie santé aux États-Unis. « Au départ, le labo avait voulu vendre son nouvel équipement aux anesthésistes, mais les médecins se sont montrés peu enthousiastes, considérant qu’ils avaient déjà les moyens d’éviter les réveils anesthésiques. Le labo a alors fait pression sur les patients, via ce film. Difficile, ensuite, de tenir tête aux patients. Qui se comportent en clients, en exigeant tel médicament après avoir entendu une pub à la radio ou à la télé. »

Le Quotidien du Médecin du 04/02/2010




La réplique d'Alain de Mijolla à Onfray
Par Alain de Mijolla,
publié le 01/03/2010

Pour l'historien de la psychanalyse, auteur de l'étourdissant feuilleton Freud et la France
, l'entreprise de Michel Onfray relance sans le renouveler un procès ouvert depuis 1915.

Je n'ai pas l'habitude des polémiques car je respecte les auteurs pour les idées qu'ils expriment, même si, comme c'est le cas ici, je ne suis pas en accord avec elles. Dès le début de la découverte et de la propagation de la psychanalyse par Freud, les critiques et les oppositio
ns se sont manifestées. Dans un premier temps, c'est la personne même de Freud qui a été l'objet de plaisanteries salaces, voire d'insultes l'assimilant à un pornographe, en particulier dans les milieux bourgeois de Vienne. Ensuite les critiques se sont progressivement portées sur les théories freudiennes qui étaient considérées comme fumeuses et mystiques, bien loin du solide bon sens et de la scientificité qui caractérisaient la pensée psychiatrique ou, plus directement, l'oeuvre de Pierre Janet en France.

Je me bornerai essentiellement, ayant parcouru les flots d'objections que Michel Onfray déverse sur Freud et la psychanalyse, à lui montrer qu'il n'est pas un novateur en la matière. Mon livre se limitant aux années 1885-1945, je n'évoquerai pas les derniers auteurs de propos semblables, comme le professeur Debray-Ritzen, Gérard Zwang, l'abbé de Nantes, Le livre noir de la psychanalyse, etc., car ils sont plus récents. Je ne donnerai qu'un éclairage sur la nature des critiques qui n'ont guère changé de thèmes et se sont succédé depuis près de cent ans... Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Laissons la parole à ceux qui ont peut-être servi de modèles à Michel Onfray. C'est un des défauts principaux de l'Histoire que de rappeler à chacun de ceux qui pensent avoir découvert l'Amérique qu'un certain Christophe Colomb est passé avant eux. Le désir d'originali
té pousse au refoulement, parfois sous le masque de la méconnaissance, des leçons du passé et de leurs suites.

Une discussion ouverte par Edouard Claparède en 1915 va marquer un des grands reproches que l'on fait habituellement à Freud. On critique sa notion de sexualité infantile qui lui fait écrire : "Dire que le plaisir de téter est un plaisir sexuel n'a à mon avis aucun sens." En 1922, le Dr Charles Trepsat, indulgent mais prudent, écrit : "J'estime qu'en présence d'un malade (tout au moins d'un Français ou d'un Latin), il faut faire de la
psychanalyse sans le crier sur les toits, sans le dire au patient lui-même ; il faut penser toujours à ce procédé thérapeutique, l'employer quelquefois et n'en parler jamais."

Des attaques à la mesure de l'enthousiasme qu'elle éveille

Mais l'un des premiers ardents polémistes, en France, est le professeur Yves Delage, psychologue qui écrit en 1918, dans la revue La Table ronde: "Le psychoanalyste est un juge d'instruction, un inquisiteur doublé d'un érotomane et c'est parce qu'il a trouvé dans l
'exercice de la psychoanalyse la satisfaction de sa manie érotique qu'il aime son mal, comme le dipsomane, le cocaïnomane, le morphinomane aiment leur poison." Il y reviendra en 1920, peu désireux de lâcher son os : "Freud restera le type d'un esprit faux qui, asservi à des conceptions systématiques, s'est laissé entraîner à attribuer un caractère universel à un facteur qui ne s'applique qu'à des cas particuliers, ce qui l'a entraîné à torturer les faits et les explications pour les faire cadrer avec son idée préconçue : il a attribué à la mentalité humaine une déformation tératologique dont il était la principale victime."

Ce reproche sera souvent répété. Comme les remarques que fait, dès février 1923, Emile Adam dans sa thèse de doctorat en médecine : "Ce dogme (le mot est de M. P. Janet qui avec d'autres auteurs, en particulier des auteurs américains, a paru quelque peu étonné du "caractère mystique de ces études sur la sexualité") a ses rites et ses adeptes, nous allions dire ses prêtres." Il ajoute : "Aussi avons-nous été étonné de ne voir nulle part Freud faire allusion à la confession. Il déclare, dans La psychologie de la vie quotidienne, être israélite ; ce n'est point là, ce nous semble, u
ne raison pour un psychologue averti d'ignorer la psychologie du catholicisme."

Les attaques vont de pair avec le début de la pénétration de la psychanalyse en France grâce à l'enthousiasme qu'elle éveille chez les littérateurs. D'où le concert de remarques du type de celle relevée dans Le Phare de Nantes sous le titre "Un nouvel asphyxiant" : "Le dernier en date, dont les émanations menacent de nous suffoquer, c'est la fameuse psychanalyse du fameux professeur Freud, Viennois de naissance, certes, mais d'âme combien boche." Quant aux littérateurs, "après avoir proustifié, on va freudifier... Naguère nous nous contentions de subir notre lot annuel du roman libidineux. [...] Maintenant outre que cela sera sale, ce sera embêtant."

Israélite... Boche... Freud remarquera à propos de ces résistances, en 1925 dans la Revue juive: "Je ne peux, sous toutes réserves, que soulever la question de savoir si ma qualité de Juif, que je n'ai jamais songé à cacher, n'a pas été pour une part dans l'antipathie générale contre la psychanalyse. Pareil argument n'a été que rarement formulé expressément."

Léon Daudet, le fils d'Alphonse, écrivain et éditorialiste de la revue monarchiste qu'il a contribué à
fonder, L'Action française, bien connue pour ses opinions d'extrême droite qui feront le lit de la collaboration durant l'occupation par les nazis, déclenche un combat vigoureux. Il débute hardiment en février 1926 une série d'articles par celui intitulé "Un bobard dangereux : freudisme et psychanalyse" et annonce : "Je compte m'occuper ici du fatras de M. Freud, en sachant parfaitement que j'enfonce des portes ouvertes et que je piétine de la vaisselle cassée. "Il est des morts qu'il faut qu'on tue", dit un excellent aphorisme. [...] ce plagiaire de Freud, cet abruti - car c'est le seul terme qui lui convienne."

Deux jours plus tard, il précise dans "La putréfaction intellectuelle. Le cas de Freud" le point qui lui
semble sensible : "La "tarte à la crème" - et quelle crème empoisonnée ! - de Freud, c'est le refoulement. [...] Mais où les symptômes de putréfaction intellectuelle apparaissent le plus nettement, c'est dans le pansexualisme de Freud."

Un commentaire enthousiaste de ces articles, paru dans L'Express du Midi, ajoute : "Je ne pense pas que l'on ait fait suffisamment observer que le freudisme n'était au fond, sous son masque pseudo-scientifique, qu'une caricature odieuse et niaise du dogme catholique. [...] Il n'y a qu'une réponse à faire à tout ce qui vient de Bochie : celle de Mussolin
i."

En effet, après la marche sur Rome en 1922, Mussolini a établi sa dictature en décembre 1925. Qu'en pensait Freud ? Il l'avait auparavant précisé en 1923 par une réflexion à Edoardo Weiss, son représentant en Italie : "Ne doutez pas que l'avenir appartiendra à la psychanalyse, même en Italie. Seulement il faudra attendre longtemps", et par une lettre à George Viereck en 1928, dans laquelle il évoque son in
capacité à "éprouver une profonde sympathie [pour des]despotes tels que Lénine ou Mussolini". Sans doute ces termes complètent-ils sa réponse de 1933, avec l'envoi de Pourquoi la guerre ? : "De la part d'un vieil homme qui reconnaît dans le Duce le héros de la civilisation", au livre que Mussolini lui avait adressé avec les mots suivants : "A Sigmund Freud che renderà migliore il mondo, con ammirazione e riconoscenza." Il lui fallait certes saluer son appui aux recherches archéologiques, mais aussi avant tout préserver Edoardo Weiss et la psychanalyse des risques que leur faisaient courir les fascistes et l'Eglise catholique.

En 1939, c'est A. Savoret qui, dans son livre L'inversion psychanalytique, proclamera que "[la psychanalyse] fait des disciples de Freud des ennemis irréductibles de la religion, de la sainteté du foyer, de l'autorité spirituelle parentale. [...] La psychanalyse est liée aux Loges maçonniques et caractérisée par la "griffe" aisément reconnaissable qui a marqué ces fronts bas du Sceau de la Bête. [...] En ce qui concerne l'attit
ude antireligieuse, il est au moins curieux de constater le touchant accord, quant au fond, entre le Juif Sigmund Freud et le super Aryen Hitler".

Un ensemble de faits depuis longtemps réunis

Mon relevé s'arrête là car la guerre et l'Occupation font tomber un silence glacial sur Freud et la ps
ychanalyse. Dans le prochain volume que j'entreprends, La France et Freud, 1946-1981, je rajouterai quelques couches à ces peintures grimaçantes qui sont balayées par le vent de l'Histoire.

Des alternances de mode et de rejet ont toujours marqué l'existence de la psychanalyse et je rappellerai que Freud, en 1914, avait déjà écrit : "Au cours des dernières années, j'ai pu lire peut-être une douzaine de fois que la psychanalyse était à présent morte, qu'elle était définitivement dépassée et éliminée. Ma réponse aurait pu ressembler au télégramme que Mark Twain adressa au journal qui avait annoncé la fausse nouvelle de s
a mort : "Information de mon décès très exagérée". Après chacun de ces avis mortuaires, la psychanalyse a gagné de nouveaux partisans et collaborateurs ou s'est créé de nouveaux organes. Etre déclaré mort valait quand même mieux que de se heurter à un silence de mort."

Comme leurs prédécesseurs, la plupart de ses adversaires publiés récemment voient dans la "Psychanalyse" un mode de pensée clos qui est totalement condamné à partir du moment où l'on trouve son maillon faible. Je ne m'accorde pas avec eux car j'estime que les idées de Freud nous conduisent à une mise en doute systématique, à la Montaigne, de t
ous les phénomènes psychiques et de toute explication, de quelque côté qu'elle vienne. A partir du moment où l'on met un point final au doute en affirmant : "Freud est un escroc", "les interprétations sont arbitraires" ou "la psychanalyse est...", on rejoint le "Tu es un voleur !" dans lequel Jean-Paul Sartre voyait une fermeture du destin de Jean Genet.

A l'affirmation, par Michel Onfray, de la propagation d'une "version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient", je répondrai par la réflexion que Freud fit en 1930 à Smiley Blanton, l'un de ses analysés. Il y reprochait à bien des critiques : "On dirait que pour eux l'analyse est tombée du Ciel ou sortie de l'Enfe
r, qu'elle est figée, tel un bloc de lave et non pas construite à partir d'un ensemble de faits lentement et péniblement réunis au prix d'un travail méthodique."

Je ne cite pas les réponses qu'après Freud les psychanalystes ont apportées aux attaques portées à la théorie et à la pratique de l'analyse. Elles sont tout aussi nombreuses. Je n
e fais aussi qu'évoquer l'intérêt que je prendrais à rechercher chez ses détracteurs l'origine d'un tel attachement à Freud. La haine n'est-elle pas le second visage de l'amour ?

Les pensées de Freud et leurs suites ont été le ferment subtil de l'évolution qui a ouvert aux cent années de leur parcours au coeur de la civilisation occidentale une liberté nouvelle de parole, particulièrement sur la sexualité adulte et enfantine, un chemin vers l'émanc
ipation des femmes, une réflexion sur les motifs inconnus qui inspirent nos actes, sur la précarité de la vérité de nos souvenirs, sur d'autres façons d'écrire notre histoire... Le temps de la séance analytique en est le lieu permanent de redécouverte.

J'emprunterai une autre conclusion à la sagesse arabe : "Les chiens aboient, la caravane passe."





Michel Onfray répond à de Mijolla: "Pas de haine contre Freud"

Par Michel Onfray,
publié le 01/03/2010


1.
D'abord je souhaiterais rendre hommage à Alain de Mijolla qui a été le seul à accepter de débattre jadis avec l'un des auteurs du Livre noir de la psychanalyse à l'époque de la campagne de presse calomnieuse et indigne qui a accueilli la parution de ce remarquable ouvrage d'histoire des idées. Ensuite le remercier d'avoir bien voulu réagir sur quelques pages arrachées à un livre qui en comporte plus de six cents dans lesquelles il trouverait des occasions de réponse à quelques-unes de ses objections - par exemple, sur la dilection de Freud pour l'austro-fascisme de Dollfuss et celui de Mussolini, doublée d'une constante critique du communisme, sur sa collaboration avec le régime nazi pour que la psychanalyse puisse être maintenue dans le Reich, etc.


2.
Que mes critiques ne soient pas neuves ? En effet. Et je n'ai jamais eu l'intention de me présenter comme novateur. Je rends d'ailleurs hommage dans ma bibliographie à ceux qui, Jacques Van Rillaer et Mikkel Borch-Jacobsen en tête, m'ont ouvert les yeux sur ce sujet.

En revanche, j'offre une lecture qui, il me semble, n'a jamais été proposée et qui met en perspective la vie et l'œuvre sur le principe nietzschéen qu'une pensée est toujours la confession autobiographique de son auteur. La "science" freudienne devient alors une banale philosophie existentielle - ce que n'est pas la science d'un Copernic ou d'un Darwin dans le lignage duquel Freud prétendait s'inscrire...


3.
Que la haine soit l'autre visage de l'amour, qu'on me permette de douter... D'abord parce qu'il n'y a pas de haine chez moi contre Freud et la psychanalyse, ensuite parce qu'on peut critiquer sans haïr - une position épistémologique dont nombre de critiques des critiques de la psychanalyse semblent, eux, incapables...

Ajoutons que, pour faire un peu de casuistique, toute haine d'une victime juive contre son bourreau nazi me semble loin de signifier chez elle un autre nom de l'amour ! Il faut en finir avec ce genre de pseudo-argument freudien que le rien est l'une des modalités du tout, que le blanc est l'une des modalités du noir, que la critique (ouverte) de Freud est l'une des modalités (inconsciente) de l'amour de Freud...


4.
Que toute critique de la psychanalyse soit à mettre systématiquement en perspective avec les critiques venues de l'extrême droite, du nazisme, de l'antisémitisme, de l'antimaçonnisme, du fascisme, du pétainisme est, qu'on me permette cette fois-ci d'utiliser l'argument d'Alain de Mijolla, une vieille technique qui déshonore ceux qui l'utilisent.


Pétainiste, Kraus ? Nazis, Deleuze et Guattari ? Fasciste, Popper ? Antisémite, Wittgenstein ? Extrémiste de droite, Sartre ? Allons, soyons sérieux... On ne gagne rien à pratiquer l'amalgame sinon... éviter de débattre et passer sous silence les arguments qu'on aurait à opposer à son contradicteur s'ils existaient véritablement...


Dès lors le débat n'est pas un débat. Face à toute critique de Freud, du freudisme et de la psychanalyse, les thuriféraires du Docteur viennois illustrent le réflexe pavlovien et bavent les mêmes insultes au premier coup de sifflet. Si j'étais freudien, ce qu'à Dieu ne plaise, je dirais que ce venin sous couvert de sagesse arabe n'est jamais que l'autre nom de l'amour que me porte Alain de Mijolla ! Mais comme je ne suis pas freudien, je consens à sa conclusion : "Les chiens aboient, la caravane passe" - en me réjouissant cette fois-ci que les chiens aient changé de côté.






A la dérive... les mots nous font vivre...

dimanche 7 mars 2010

Quand Freud mène l'enquête...

L’Interprétation des Meurtres
de Jed Rubenfeld.












Editions Pocket,
504 pages.


Résumé :
"1909. Freud, accompagné de Ferenczi et Jung, ses disciples, débarque dans l'effervescente New York. Venu donner une série de conférences, il est accueilli par Younger, jeune médecin qui lui fait découvrir la ville en pleine construction, les bas-fonds de Chinatown et les hôtels particuliers de Gramercy Park. Une visite d'autant plus mémorable que le psychanalyste viennois prend part à une enquête surprenante : le cadavre d'une jeune fille torturée et étranglée vient d'être retrouvé. Nora Acton, autre victime du même agresseur, a miraculeusement survécu mais est frappée d'amnésie et de mutisme. Dans l'ombre de Younger chargé de la soigner, Freud va habilement s'immiscer dans l'esprit de Nora, explorer son inconscient et de nouveaux champs d'application : l'interprétation des meurtres... "


Mon avis : Adeptes de la psychanalyse et de l’interprétation des égarements de l’inconscient, lancez-vous sur ce livre sans plus attendre. Non seulement d’être un nouveau coup de cœur pour ma part, il est surtout un condensé fort éloquent d’une théorie qui bouleversa un siècle entier : le freudisme. En effet, Freud part pour les États-Unis en 1909 afin de donner des conférences à la célèbre université de Clark sur ses théories œdipiennes et ses autres interprétations psychiques qui révolutionneront à jamais la psychologie. Voyage bouleversé ici par un meurtre sordide. Le docteur viennois va devoir s’immiscer dans l’esprit des gens afin de révéler la clef d’une énigme absolument déroutante, qui vous tient en haleine jusqu’aux toutes dernières pages. Ou plutôt va t-il guider un jeune médecin de Boston, Stratham Younger, qui va, dans l’ombre de Freud, essayer de faire émerger derrière la barrière du refoulement, les démons de l’enfance d’une jeune femme agressée par le tueur, Nora Acton. La psychanalyse est déployée ici dans toute son envergure au fil du livre et nous tient en haleine sans jamais perdre de son intérêt, notamment parce que l’écriture de Jed Rubenfeld est des plus agréables à lire et des plus limpides, nous suivons ainsi le raisonnement freudien sans aucune entrave.

Les personnages du livre sont pour la plupart des personnages réels, Freud bien entendu, mais aussi ses compagnons de voyage parmi lesquels l’acâriatre Jung, qui est reconnu pour s’être farouchement opposé aux théories de Freud. Cette hostilité est retransmis avec brio dans plusieurs scènes du livre et nous fait entrer dans une réalité instructive, au coeur d’un polar monté de toutes pièces. On s’attache facilement à plusieurs protagonistes tel que l’inspecteur Jimmy Littlemore ou encore Stratham Younger.

L’histoire en elle-même est riche en rebondissements, rythmée par une action en constante évolution, une scène notamment vous fera monter l’adrénaline au summum ! L’intrigue est relativement bien ficelée et ne se laisse entrevoir que durant les dernières pages du livre, réservant ainsi des surprises de taille à vous faire sortir les yeux de la tête ! Jed Rubenfeld est un excellent marionnettiste, et nous ballote sans vergogne, ainsi que ses personnages, vers de fausses pistes, pour notre plus grand plaisir.

Je pourrais encore passer des lignes et des lignes à vous raconter ce livre formidable, que j’apparente à L’Aliéniste de Caleb Carr, qui se passe à la même période, dans la même ville, ce New-York du début 20ème où les meurtres sans scrupule rythment le sang d’une métropole en perpétuel mouvement, où l’argent est roi. Un coup de cœur pour moi, je me suis totalement abandonné dans cet excellent polar que je recommande à tous les adeptes du genre, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont lu L’Aliéniste.

Coup de cœur!!!

mardi 9 mars 2010




Article du 04/03/2010
Travail de fou à l'hôpital psychiatrique de Bassens

Après deux années très sensibles pour l'ensemble du personnel du CHS, qu'en t-il du service de psychiatrie savoyard?

« Certains postes manquent aujourd'hui. Je comprends qu'on ne remplace pas le menuisier ou l'électricien mais il faut maintenant 3 semaines pour qu'une ampoule soit changée » avoue un agent de service hospitalier. Les agents de services font partie intégrante du personnel hospitalier. Plus que d'assurer l'hygiène des locaux qui accueillent plus de 15 000 patients savoyards par an (intra et extra muros), les agents sont polyvalents tant dans le domaine de la surveillance et du gardiennage que pour la neutralisation des patients en crise.
C'est le cas de Matthieu, qui travaille comme agent de service dans le bâtiment Charcot. Son poste est particulier car il travaille au contact de patients chroniques, de grands dépressifs, des hystériques mais aussi des personnes atteintes de schizophrénies ou encore de la maladie d'Alzheimer. « Le pavillon accueille 30 patients qui nécessitent des soins et une surveillance permanents. Avec les infirmières et les aides-soignants, nous sommes en tout une trentaine pour nous occuper d'eux. Le problème c'est que nous sommes organisés par équipe de six et que la contention non violente d'un patient en crise nécessite quatre personnes. Dans ces cas là, seules deux infirmières restent seules pour s'occuper des 29 autres patients » avoue le jeune agent de service avant d'ajouter péniblement « nous sommes loin de la psychiatrie par la camisole de force, mais il y a des patients avec lesquels il serait possible de travailler plus alors que nous sommes de moins en moins ». Le personnel est clair : il manque de moyens, de temps et de soignants pour mener à bien son travail médical. Car c'est bien de cela qu'il est question : la qualité des soins médicaux spécialisés en Savoie.
LES LIVRES DE PSYCHANALYSE
JEUDI 25 FÉVRIER 2010

Portrait silencieux de Jacques Lacan

Claude Jaeglé












Paru le : 24/02/2010
Editeur : PUF
Prix : 15 €

Qui parle ? Qui se fait entendre à travers la voix de Lacan ? Est-ce un pickpocket ? Est-ce Lucifer ? Est-ce Bossuet ? Ou seulement une glousseuse ? Un soulard ? Un dresseur de puces ? Les personnages qui hantent la voix de Lacan introduisent à son œuvre par un biais sonore et intime. Le silence occupe la place essentielle dans la parole de ce grand prédicateur. Et la rareté de la voix comme objet théorique demeure une énigme de son œuvre.

Table des matières

Prologue

PREMIÈRE PARTIE. — LES MÉTAMORPHOSES DE LACAN AU COURS DU SÉMINAIRE
I. Un orateur plein de silences
Le public du séminaire et les « snobs » – L’exception des silences
II. Les vides au cœur de la théorie
La diction de Lacan – Agressivité de la prononciation – Évitement de la phrase – L’expérience sonore de la théorie – Une parole à mailles béantes – Dire Freud en français – Le Grand Sardonique – Merlin râleur
III. Personnages oratoires
Le psychanalyste – Le fils de la sourde – Lucifer et son cigare – L’amateur de phonèmes – Le vociférateur
IV. Le « charisme » de Lacan
Une théâtralité magistrale – Héritier de Kojève – Ambivalences du « charisme » – Bourdieu et Lacan

SECONDE PARTIE. — LES SILENCES CONTRE LA PRÉCIPITATION
I. L’étrange rareté du thème de la voix dans la théorie de Lacan
Le séminaire sur L’Angoisse – Rareté du thème de la voix – La voix acousmatique – L’objet voix – Le dépassement de la matérialité sonore – « Chaque progrès de la science… »
II. La voix du chofar
La pensée-à-voix-haute du séminaire – La séance du 22 mai 1963 – La voix, objet pulsionnel – Le « chofar » ou « schofar » – Admiration et agression de Reik – La dynamique du reproche – Mots-cactus – L’exigence scientifique et la modération de la voix (première apparition)
III. Une perception visuelle de la voix
L’origine de la voix – De Gaulle dans la voix de Lacan – L’expérience de l’hésitation dans la perception de la voix – Voix biblique et voix acousmatique – Vision assourdissante de la voix – Barthes : « Je vois le langage » – Anéantissement du sonore dans le gouffre de l’Autre – Les tambours du nô et la précipitation de la voix – La voix, « forme séparable »
IV. Du vide au néant
La séance du 5 juin 1963 – Le langage des sourds – La résonance dans le vide de l’oreille – L’oreille comme un pot – Démantèlement du sonore – Accents de prédication – Bossuet
V. Épilogue
Le ton des novices et le ton de Freud – « Ça ne marche qu’oralement » – L’exigence scientifique et la modération de la voix (seconde apparition) – Le mythe de la voix désaffectée – Un risque assumé avec passion – « L’analyse n’est pas une science » – Voisinage de l’hypnose – La voix enregistrée

A l'indépendant
http://alainindependant.canalblog.com/archives/2010/02/27/17062778.html
L'histoire pose les problèmes, et c'est la vérité du matérialisme historique; les prophètes répondent, et c'est la vérité de l'Esprit (Roger Garaudy)

Lacan passeur de Marx












Paru le : 25/02/2010
Editeur : Erès
Collection : Point hors ligne
Prix : 28 €


Lacan a lu Marx, assidûment, y compris et d'abord, Le capital à l'âge de 2O ans. Dans ses Écrits, comme dans son Séminaire, il rend hommage à celui qu'il considère comme l'inventeur, avant Freud, du symptôme. Il le critique toutefois d'avoir réduit sa formidable découverte de la plus-value à une réalité comptable, et de ne pas avoir été en mesure d'en saisir le ressort subjectif, à savoir la soif d'un « plus-de-jouir ».

Dans ce livre, Pierre Bruno non seulement recense tous les énoncés de Lacan, critique ou passeur de Marx selon les cas, mais il met aussi à l'épreuve les catégories de Lacan, celle de division du sujet, celle de discours capitaliste, celle de symptôme-sinthome, qui ont été en partie forgées à partir de la lecture de Marx. Au moyen de celles-là, l'auteur analyse deux figures couplées de la scission du sujet - Docteur Jekill et Mister Hyde dans le roman de Stevenson, Jeanne Dark et Mauler dans la pièce de Brecht Sainte Jeanne des abattoirs - et il examine les positions de Althusser, de Deleuze et Guattari, et de Zizek sur les relations entre Lacan, Marx et le capitalisme.

Pierre Bruno déploie ensuite une présentation minutieuse de l'analyse par Lacan du discours capitaliste, en tant qu'il déroge aux quatre discours initialement théorisés par lui. Enfin, il reprend, de Marx à Freud et de Freud à Lacan, la question axiale du symptôme : la clé de la psychanalyse n'est pas dans son éradication mais dans une transformation qui le délesterait de son impact pathologique.

http://les-livres-de-psychanalyse.blogspot.com/

LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

Les Sens du rire et de l'humour
Daniel Sibony












Paru le : 25/02/2010
Editeur : Odile Jacob
Prix : 23 €


« Le rire est la cascade sonore par laquelle on reprend son souffle après qu’il a été coupé, légèrement, par une surprise agréable, un trait (d’esprit mais pas toujours), une différence vivace, un entre-deux qui, nous ayant un peu ouvert, nous a permis d’entrecouper le ronron, le sérieux-sériel du travail, la longue continuité avec soi-même. Le rire libère ou plutôt décharge une curieuse charge signifiante dont on a reçu le choc… » D. S.

C’est ainsi que Daniel Sibony, tout en intégrant les approches de Bergson sur le rire de situation, de Freud sur la levée du refoulement, et de Baudelaire sur le grotesque, donne au rire une dimension et une portée symboliques, transmetteuses de vie, qui engagent notre rapport à l’être, aux autres, à nous-mêmes. En quoi son approche est nouvelle. En passant il prend appui sur un vaste éventail d’exemples, de Devos à Woody Allen, du rire d’Abraham aux Marx Brothers, de l’humour juif ou anglais au rire de la joie ; et il le fait avec la finesse du psychanalyste.
NOUVELLES PSYCHANALYTIQUES

JEUDI 4 MARS 2010

La répétition à l’épreuve du transfert

Journée Nationale des Collèges Cliniques, 20 Mars 2010 en Avignon










Ce sont deux concepts fondamentaux de la psychanalyse qui sont proposés comme thème de travail cette année, dans une articulation qui indique que, s’ils ne sont pas sans lien, ils n’ont pas à être confondus.
Condition de l’interprétation, le transfert peut être facteur de résistance, de fermeture de l’inconscient, mais il est aussi le moteur de l’expérience, une condition du traitement.
L’expression « à l’épreuve » a, dès ses premiers emplois, le sens général « d’action d’éprouver » et spécialement, le mot équivaut à « souffrance, malheur ». C’est sous cette modalité que dans l’expérience analytique la répétition se manifeste et elle est contemporaine des premières questions posées par la pratique analytique. En effet, Freud dégage la notion de compulsion à la répétition à partir des phénomènes de la clinique et de la technique analytique, noués à la problématique du transfert. Non seulement l’analysant subit une compulsion à répéter ses inhibitions, ses symptômes, ce qui n’est pas reproduction, puisqu’en lieu et place de la remémoration, il traduit en acte des pensées refoulées, mais en plus il ne sait pas ce qu’il répète ni qu’il répète. Un « fragment de vie » échappe à la remémoration, à sa prise dans le langage. Cela va conduire Freud à introduire la pulsion de mort pour rendre compte de cette fonction de la compulsion à la répétition dégageant ainsi la dimension pulsionnelle.
Lacan fait de la répétition un concept fondamental en l’articulant au réel. Pour ce, il prend appui sur la distinction entre deux termes empruntés à Aristote, tuche et automaton qu’il fait respectivement équivaloir à la rencontre du réel (rencontre toujours manquée) et aux réseaux des signifiants. Le réel gît toujours derrière l’automaton. Pour le sujet, il existe une dimension d’irréductible, quelque chose qui résiste à la symbolisation, puisque ce qui conditionne la répétition c’est ce qu’elle produit, à savoir non pas quelque chose qui n’a pas eu lieu mais quelque chose qui est défaut, échec, non réussite, et qui par là même témoigne d’une jouissance.
Comment sortir du champ monotone de la répétition, est-ce qu’une analyse peut changer le cours de la répétition ? C’est là que le titre proposé « La répétition à l’épreuve du transfert » prend toute sa pertinence. « A l’épreuve » signifie aussi « qui peut résister à » indiquant l’importance du maniement du transfert. Au commencement de la psychanalyse est le transfert, et c’est dans l’actuel du transfert que se manifeste la répétition.
Lacan va disjoindre le transfert de la répétition en lui donnant son fondement dans la structure du « sujet supposé savoir ». Avec la règle de l’association libre, l’analyste offre au sujet la possibilité d’adresser sa question en lui supposant un savoir sur son symptôme, ce qui ouvre la voie à la répétition. La fonction de supposition de savoir est inhérente à la parole en tant qu’elle s’adresse à l’Autre et constitue un obstacle au dépassement de la répétition.
C’est à faire l’expérience de la parole avec tout ce que cela comporte de trébuchements, de lapsus, de silences, que la question de la supposition peut être découverte et que l’impossible à dire qui vient du réel de la structure peut être approché. Envisager une sortie possible de la répétition ouvre à la perspective de la contingence et de l’inédit, mais cela ne va pas sans l’acte analytique.