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jeudi 23 décembre 2010

L’angoisse atomique
article paru dans Politique hebdo N° 70, jeudi 15 mars 1973.
Il y a des images qu'on oublie pas : celles d'Hiroshima mon amour, celles du documentaire de P. Watkins, La bombe (The Wargame), qui nous montrait ce que serait Londres quelques minutes après une attaque nucléaire : villes rasées, immeubles en ruines, monceaux de corps alignés le long des rues, méconnaissables, cadavres calcinés; blessés hurlant, avec les cheveux et la peau qui s'enflamment…

Ce n'est pas par hasard si les premiers contingents de la nouvelle gauche anglaise et américaine se sont formés lors de ces manifestations contre les armes nucléaires et, si des thèmes aussi rebattus que “la pollution “, l'”environnement” sont aussi parlants, même aux jeunes les plus dépolitisés, ou si tant d'autres jeunes, aux Etats-Unis, depuis l'épopée de Ginsberg et la beat-generation quittent le confort de l'American Way of life, tournent le dos à la civilisation et prétendent créer - comme dans les classiques de science-fiction d'Asimov - une nouvelle “fondation”, c'est à dire un nouveau monde, par-delà la peur, la souffrance inutile et la cruauté. [...]

Cette angoisse de la mort atomique qui a ébranlé l'Amérique nouvelle - depuis le poème de Gregory Corso, écrit en calligramme en forme de bombe, jusqu'à l'orage électrique de Hair - ne touche pas seulement la jeunesse des pays capitalistes. La jeunesse soviétique présente les signes d'une même angoisse. L'affaire des fusées de Cuba, qui faillit déclencher un conflit entre l'URSS et les Etats-Unis fut l'une des causes de la chute spectaculaire de popularité de Khrouchtchev et - comme les poètes beatnicks - les poètes soviétiques ont aussi parlé. Voznessensky (1), par exemple écrit ” Je ne suis pas pessimiste. Mais lorsque, couché sur l'herbe, j'embrasse une fille, je ne peux m'empêcher de penser que l'herbe est empoisonnée par les retombées atomiques ” et il raconte qu'en 1962, au moment de l'affaire des fusées, beaucoup de filles russes qui n'avaient jamais fait l'amour ne voulaient plus attendre car elle pensaient que c'était “leur dernière chance “. Il écrira même un poème sur Marylin Monroe qui reprend le même thème : elle se suicide parce que la menace d'une guerre nucléaire rend la vie invivable et absurde.

Aujourd'hui, il semble que cette peur tende à se généraliser: ce ne sont plus seulement les jeunes, les poètes beatnicks américains ou les anti-conformistes soviétiques qui l'expriment : elle est là, tapie dans l'ombre, prête à surgir dès qu'on parle de construire une centrale nucléaire. Le fantôme de la Bombe crève les écrans de cinéma et s'identifie, dans la société moderne, à l'image même de l'Apocalypse.

En dehors du livre de Franco Fornari, “Psychanalyse de la situation atomique“  (2), psychanalyste militant qui, joignant l'acte à l'écrit, fut l'un des protagonistes de la campagne anti Bombe-H en Italie, et de quelques études partielles, nous ne possédions encore aucune étude complète et documentée de cette angoisse atomique et de la peur des centrales nucléaires. aussi faut-il souligner l'intérêt du livre que Colette Guedeney et Gérard Mendel ont consacré à ce sujet (3).

Ce travail est né d'une rencontre entre deux psychanalystes. Colette Guedeney a travaillé six ans dans le service de Radio-Protection d'un “pays de la communauté européenne” et Gérard Mendel est l'un de ceux qui ont le plus fait pour décrire la sociogénèse, c'est à dire pour confronter la psychanalyse aux phénomènes collectifs. - sociaux et politiques - comme en témoignent ses précédents ouvrages, notamment La révolte contre le père, la Crise des générations et l'Anthropologie différentielle (4). Le projet des deux auteurs est vaste : il s'agit de comprendre les liens étroits qui unissent les fantasmes liés à la bombe atomique et les représentations archaïques de l'inconscient. [...]

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