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vendredi 21 mai 2010



Des actions ciblées peuvent réduire le risque de suicide













Une expérience aux États-Unis a fait chuter le taux de suicide chez des personnes souffrant de troubles mentaux.

«L'homicide de soi-même», selon l'expression de Voltaire, n'est jamais imputable à une cause unique. Une étude menée par des médecins américains, aux États-Unis, apporte une nouvelle pierre à l'édifice de ceux qui estiment que la prévention du suicide doit être pluridisciplinaire pour être efficace. En effet, grâce à ce programme débuté il y a quelques années dans le Henry Ford Health System, qui regroupe six hôpitaux de l'État du Michigan, le taux de suicide a fortement chuté en quelques années. Il est passé de 89 suicides pour 100 000 (patients suivis pour troubles mentaux) à 22 pour 100 000 la quatrième année du programme pour atteindre désormais zéro pour 100 000 (à titre de comparaison, le taux dans la population générale américaine est de 10 pour 100 000). Ces résultats spectaculaires ont été publiés mercredi dans le Journal of the American Medical Association (Jama).

Cette démarche a d'abord consisté à classer les 200 000 patients suivis pour troubles mentaux dans ces six hôpitaux en trois groupes en fonction du risque de suicide, chaque niveau correspondant à des interventions spécifiques. Les malades avaient par ailleurs un rendez-vous dédié uniquement à la délivrance de médicaments, un accès plus rapide aux soins et donc aux médecins. Une écoute renforcée avait été mise en place de visu avec un suivi par e-mails. Les mesures comprenaient également l'information et l'éducation de la famille du malade, une formation des personnels médicaux leur permettant de mieux évaluer les comportements à risques au téléphone. Enfin, le programme poussait les patients à se séparer de leurs armes à feu.

«Je crois que nous avons là un modèle qui pourrait servir de base aux recommandations des systèmes de santé, a estimé le neuropsychiatre Edward Coffey, qui travaille dans le groupe hospitalier Henry Ford de Detroit. Il pourrait ainsi améliorer l'état des patients souffrant de dépression ou d'autres désordres mentaux qui augmentent le risque de suicide». On estime à environ 33 000 le nombre de suicides par an aux États-Unis, dont plus de la moitié par armes à feu.

«Ce protocole est transposable en France», estime le Pr Michel Reynaud, psychiatre et chef du département de psychiatrie et d'addictologie à l'hôpital universitaire Paul-Brousse (Paris XI) qui juge ces résultats «très intéressants». Selon lui, les médecins américains ont réalisé «ce vers quoi il faut tendre, à savoir de la prévention ciblée sur une population à risques. L'idée est de repérer les patients susceptibles de passer à l'acte et de mettre en place un protocole». Or, le problème, ce sont les populations qui n'ont jamais été suivies et qui, un jour, passent à l'acte, «comme celui qui se jette sous le métro et qui n'a jamais consulté de sa vie», nuance le Dr Didier Cremniter, référent de la cellule d'urgences médico-psychiatrique de Paris. «Car il est clair que dès que l'on suit des gens en détresse et qu'on leur apporte un soin bien orienté on réduit les gestes suicidaires», analyse-t-il.

Les zones rurales sont les plus touchées

Ce spécialiste insiste, par ailleurs, sur le fait que si la sensibilisation de l'entourage peut aider à réduire le taux de suicide, dès que les campagnes de sensibilisation s'arrêtent, les passages à l'acte repartent aussitôt à la hausse.

En France, ce sont les régions du Nord-Ouest qui enregistrent les taux de suicide les plus importants avec 27 décès par an pour 100 000, suivies de la Basse-Normandie et du Limousin avec un taux de 23 pour 100 000. «Il n'y a jamais eu d'explication à ce phénomène, relève le Dr Juliette Daniel, inspecteur de la santé publique. Un suicide a toujours plusieurs causes: la précarité, la solitude, des comportements addictifs, un événement traumatisant.» Indépendamment de tous ces facteurs, il est vrai que les zones rurales ainsi que celles touchées par l'alcoolisme sont généralement les plus atteintes. «Les causes étant multiples, chaque professionnel a un rôle à jouer en matière de prévention: surveillants de prison, personnels de l'éducation, professionnels de santé afin de repérer ceux qui ne vont pas bien et de les envoyer vers un médecin qui prenne le relai», conclut le Dr Juliette Daniel.

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