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mercredi 19 mai 2010


Coordination Nationale Infirmière

Psychiatrie : nous avons deux maux à vous dire

Écrit par Marie-Dominique GIRARD  
18-05-2010

Nous avons deux maux à vous dire

Depuis de nombreuses années, la psychiatrie se voit réorganisée afin de correspondre à une discipline médicale « comme les autres » devant répondre aux mêmes exigences de résultats et devant utiliser les mêmes moyens budgétaires et outil de mesure d’activité.
Son originalité, étayée sur l’utilisation de modèles conceptuels variés s’est vue critiquée, relayée et supplantée par les modèles médico-économiques.


Vous me direz et alors ?

Alors commence la lente dégringolade de la psychiatrie, le malaise s’est installé, tant au niveau des malades, des familles que des équipes soignantes.
Une insatisfaction permanente marque les esprits, car concrètement ce sont des situations de soins qui désespèrent l’ensemble des professionnels et des usagers, pas de place dans les hôpitaux, pas de place dans les structures de jour, des listes d’attente qui s’allongent dans les CMP, des durées moyenne de séjour qui se raccourcissent, trois patients en attente pour un lit vite ! vite ! Entrées, sorties, entrées sorties…
Un sentiment d’insatisfaction permanente palpable parmi les professionnels, car concrètement, les difficultés de recrutement sont présentes, les personnels se sentent insuffisamment formés et nombreux pour répondre de manière individualisée aux demandes des patients et aux attentes des familles. 

Au niveau du travail de secteur même constat, une précarisation de plus en plus importante des patients, des troubles psychiatriques que les patients essaient de juguler par des conduites addictives et une tolérance de la société de plus en plus faible par rapport à la misère et à leurs difficultés de vie. Des demandes adressées à la psychiatrie tout azimuts pour la prise en soin sur des populations ciblées, adolescence, troubles suicidaires, personnes âgées…
Quel est ce paradoxe que de vouloir faire disparaître cette spécialité tout en la mandatant pour intervenir dès lors que la société va mal ?

Et comme si cette pression médico-économique ne suffisait pas, la judiciarisation vient s’installer de manière prégnante dans le système de santé car les rapports humains, de plus en plus, se formalisent par le droit.
Le drame de Grenoble vient percuter l’édifice déjà très fragilisé de la prise en soin psychiatrique notamment quand des assimilations sont faites comme actuellement :

maladie mentale = dangerosité.

La création d’un fichier national pour les personnes hospitalisées en Hospitalisation d’Office revient en force après cet évènement.
Déjà présent dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance, il avait été abandonné sous la pression des associations de famille et des professionnels médicaux et paramédicaux.
Mais au premier accident, la médiatisation et l’instrumentalisation de l’émotion annule toute possibilité de réflexion et toute capacité de concertation sereine pour décider d’une remise en cause de la loi de 1990.
C’est une utopie de penser qu’un fichier chargé d’instaurer une traçabilité des malades mentaux placés en Hospitalisation d’Office peut servir à prévenir les éventuelles rechutes de la maladie mentale. Si l’on doit parler de traçabilité dans ce domaine, c’est bien dans la capacité de suivi médical des patients que l’on peut y trouver un intérêt.

la médiatisation et l’instrumentalisation de l’émotion annule toute possibilité de réflexion

Il est notoire que la Psychiatrie n’a plus les moyens pour dépister ou pour suivre ses patients. Il est notoire que la psychiatrie n’a pas les moyens d’accompagner comme elle le souhaiterait les familles et pourtant la vraie sécurité des patients et des populations, réside dans l’accompagnement de la souffrance mentale pour prévenir de ces excès et non pas dans l’instauration d’un fichier qui recenserait les incidents à postériori. Les hospitalisations sans le consentement sont à réfléchir et penser comme outil de prévention par rapport à un patient qui est trop mal pour penser à demander de l’aide, c’est le préalable à ne pas oublier avant d’avoir une lecture judiciaire.
Pour la psychiatrie, la Personne avec qui nous essayons d‘entrer en relation, la Personne cachée sous la folie ou la maladie mentale s’escamote au profit du Citoyen-Consommateur.
A trop vouloir protéger l’individu par une abondance de textes règlementaires, on le ligote.
Les écrits qui eux, restent et se contrôlent mieux, prennent le pas sur la parole qui se partageait avec l’Autre.
Il ne faut pas se tromper, ce sont les patients et leurs familles qui sont en danger parce que l’équilibre entre qualité des soins, respect des individus et souci légitime de sécurité de la société est rompu.

Marie-Dominique GIRARD
CNI Coordination Nationale Infirmière Montperrin

Article paru dans le n° 28 (janvier 2009) de la revue de la Coordination Nationale Infirmière (CNI)

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