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dimanche 11 avril 2010






Le Mans

L'historien ausculte deux siècles de psychiatrie

jeudi 08 avril 2010







L'hôpital Étoc-Demazy, derrière la gare,
a été classé monument historique.
Il fermera en 2011.








Hervé Guillemain, historien.
 
L'historien Hervé Guillemain vient de publier un ouvrage basé sur les archives du centre hospitalier spécialisé et des témoignages de patients et soignants.

Entretien

Vous avez épluché des cartons d'archives des établissements psychiatriques sarthois, rencontré une trentaine d'anciens soignants, quels enseignements en avez-vous tiré ?
 
L'asile d'aliénés du Mans derrière la gare (Étoc-Demazy, du nom du premier médecin-chef) a été l'un des premiers créés en France, en 1828. Il a longtemps servi de modèle. Tellement, qu'on a tardé à le modifier. Et paradoxalement, l'hôpital d'Allonnes a été, en 1968, l'un des derniers hôpitaux-village de France. Les deux ont cohabité pendant 40 ans.
 
La méthode ancienne d'un côté, la moderne de l'autre ?
 
Pas du tout. Avec la sectorisation de la psychiatrie dans les années 70, la répartition des patients est géographique et non-pathologique. Pourtant, l'idée communément répandue, c'est que derrière les hauts murs du Mans, sont les « grands fous ». Et qu'à Allonnes et ses pavillons, c'est le Club'Med.
 
L'architecture influe sur la thérapie, non ?
 
A Étoc, patients et soignants sont les uns sur les autres. La promiscuité règne. Alors, qu'à Allonnes, les médecins se déplacent en voiture, tellement le village est immense avec la forêt.
 
Quant aux patients, ils restent au pied de leur pavillon. L'objectif de les resocialiser en créant une ambiance de village n'est pas atteint. 
Pour moi, le vrai village est à Étoc.
 
Dans les deux cas, aujourd'hui, ce ne sont plus des lieux de vie. 
Depuis la fin des années 1970, on a vidé les hôpitaux psychiatriques. La durée de séjour moyen n'est plus que de 28 jours. Autrefois, on pouvait y passer sa vie.
 
Dans quelles conditions ?
 
A l'asile, cela dépendait des revenus. Les indigents se retrouvaient dans d'immenses dortoirs, jusqu'à 120 lits. Leur séjour était payé par le Département. À côté de cela, Le Mans avait l'un des plus gros pensionnats de l'Ouest. Là, étaient internés des gens qui avaient de l'argent. En chambre individuelle, avec une alimentation riche, un domestique. Il y avait même des publicités vantant la qualité du pensionnat. C'était un moyen de faire vivre l'institution.
 
Qui étaient les soignants ?
 
Longtemps à l'asile, un seul médecin-chef a eu la responsabilité de tous les patients, jusqu'à un millier. Les religieuses de la communauté Notre-Dame d'Évron s'occupaient des femmes et des services centraux. Les dernières sont parties à la fin des années 1960. Leur présence explique l'importance des Fêtes Dieu, en mai. Longtemps, ces fêtes ont été les seuls moments d'ouverture de l'asile sur l'extérieur. Les habitants du quartier y venaient en nombre.
 
Y a-t-il eu des événements marquants à Étoc ?
 
L'épidémie de grippe espagnole a décimé la population durant la 1re Guerre mondiale : environ 300 morts, soit un tiers de l'effectif. Durant la Seconde, c'est la sous-alimentation qui a tué.
 
Et en terme de thérapie ?
 
Les établissements manceaux ont suivi l'évolution de la psychiatrie en France. Avec une particularité quand même : entre 1945 et 1958, le médecin Louis Anglade a réformé l'hôpital. On lui doit notamment la sortie des malades vers l'extérieur, par le sport, les voyages. Et l'entrée des familles à l'hôpital, via la kermesse. Comme les autres, il s'est mis aux électrochocs (1942) et aux neuroleptiques (1950).
 
En revanche, Anglade était convaincu de l'intérêt de la lobotomie pour les patients chroniques, résistant aux autres thérapies. Il s'agissait d'agir chirurgicalement sur le cerveau. Une fois par an, un chirurgien venait de Paris et opérait à la chaîne une quinzaine de patients. La pratique a duré jusqu'en 1967. Avec quel succès ? On parlait plus de rémission que de guérison.
 
Et des patients célèbres ?
 
On m'a parlé de la secrétaire de l'écrivain Jules Romains, d'un musicien de Jacques Brel. Et sinon de personnalités locales, internées au pensionnat...

Recueilli par Laurence PICOLO



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