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vendredi 21 août 2009


ACTUALITE MEDICALE
Grandeur et décadence d’un modèle
Publié le 14/08/2009
http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/01/AE/98/document_actu_med.phtml


Professeur de psychiatrie à l’université de Boston (Massachusetts), S. Nassir Ghaemi publie un ouvrage ayant le même titre que son article du British Journal of Psychiatry, « Grandeur et décadence du modèle bio-psychosocial ». Proposé par George Engel [1] en 1977, lequel s’appuyait notamment sur des précurseurs comme Adolf Meyer et Roy Grinker [2], ce modèle est considéré outre-Atlantique comme le « courant dominant » (mainstream ideology) de la psychiatrie contemporaine. Laquelle serait critiquée pour son aspect « trop biologique », occultant la dimension humaine, avec risque de dérive scientiste ou, du moins, de relégation des interventions psychosociales derrière le paravent de la médecine et de la pharmacologie.

Vu comme « antidote » à ce risque, le paradigme en question (dit bio-psychosocial) est censé tenir « le milieu de la route » entre les trois dimensions essentielles de la psychiatrie (organique, psychique et socioculturelle). Ce qui est en accord avec la recommandation d’Engel (1978) selon laquelle : « Il faut tenir compte des trois niveaux (biologique, psychologique et social). Aucune maladie, aucun patient, ni aucun contexte ne peuvent se réduire à un seul de ces aspects, toujours plus ou moins présents ». Mais cet arbitrage entre plusieurs courants ne parvient plus, semble-t-il, à endiguer la vague du « tout biologique » déferlant désormais sur la psychiatrie.

Pour SN. Ghaemi, l’apogée du modèle bio-psychosocial aux États-Unis coïncide avec « la notoriété du DSM-III, vers 1980, les avancées de la psychopharmacologie et le déclin de la psychanalyse ». A noter toutefois que dans cette synthèse bio-psychosociale, certains concepts psychanalytiques (comme les mécanismes de défense) sont préservés.

Mais en prônant une position éclectique, à mi-chemin de discours bien tranchés (biologique, psychologique ou social), ce modèle sécrète lui-même ses limites. Car paradoxalement, l’éclectisme se muerait en son contraire pour engendrer le dogmatisme, puisqu’en laissant chacun libre de suivre sa propre inclination, il n’impose aucun garde-fou contre un nouveau dogme ! Ce retournement d’une vertu en son contraire rappelle un aphorisme du philosophe Schelling (1795) où la revendication de liberté débouche sur la soumission : « Prouver ainsi précisément sa liberté, par la perte de sa liberté elle-même, et sombrer encore avec une proclamation de la volonté libre. »

Ce modèle conserve pourtant un atout : abordant le réel de manière globale (vision « holistique » [3]) par opposition à tout parti pris de spécificité (réductionnisme), il s’appuie sur l’idée que « plus, c’est mieux » : on aurait plus de chances de cerner la vérité en multipliant les perspectives, dans une meilleure approche de la complexité.

[1] http://en.wikipedia.org/wiki/George_L._Engel[2] http://www.medscape.com/viewarticle/547497_2[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Holisme

Dr Alain Cohen
Ghaemi SN : The rise and fall of the biopsychosocial model. Br Journal of Psychiatry 2009 ; 195 : 3-4.

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